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Peut-être ce Palais n'est qu'un enchantement


"Ce prince qui vous aime, et qui commande aux vents,
Qui nous donne pour char les ailes du Zéphire,
Et de nouveaux plaisirs vous comble à tous moments,
Quand il rompt à vos yeux l'ordre de la nature,
Peut-être à tant d'amour mêle un peu d'imposture,
Peut-être ce palais n'est qu'un enchantement,
Et ces lambris dorés, ces amas de richesses
Dont il achète vos tendresses,
Dès qu'il sera lassé de souffrir vos caresses,
Disparaîtront en un moment.
Vous savez comme nous ce que peuvent les charmes."
Psyché, acte IV, scène 2, vv. 1405-1415.

Le soupçon d'avoir à faire à un "imposteur" est soulevé dans Les Amours de Psyché et Cupidon de La Fontaine, d'abord par l'Amour lui-même, puis dans la réflexion de Psyché:

"Pour ce qui me touche, je prends un plaisir extrême à vous voir en peine ; d'autant plus que votre imagination ne se forge guère de monstres, j'entends d'images de ma personne, qui ne soient très agréables. Et pour vous dire une raison plus particulière, vous ne doutez pas qu'il n'y ait quelque chose en moi de surnaturel. Nécessairement je suis dieu, ou je suis démon, ou bien enchanteur. Si vous trouvez que je sois démon, vous me haïrez : et si je suis dieu, vous cesserez de m'aimer, ou du moins vous ne m'aimerez plus avec tant d'ardeur ; car il s'en faut bien qu'on aime les dieux aussi violemment que les hommes. Quant au troisième ; il y a des enchanteurs agréables : je puis être de ceux-là ; et possible suis-je tous les trois ensemble. "

"Il y avait pourtant des moments où notre héroïne doutait. Les paroles de l'oracle ne lui semblaient nullement convenir à la peinture de ce dragon. Mais voici comme elle accordait l'un et l'autre. Mon mari est un démon, ou bien un magicien qui se fait tantôt dragon, tantôt loup, tantôt empoisonneur et incendiaire, mais toujours monstre. Il me fascine les yeux, et me fait accroire que je suis dans un palais, servie par des Nymphes, environnée de magnificence, que j'entends des musiques, que je vois des comédies ; et tout cela, songe : il n'y a rien de réel, sinon que je couche aux côtés d'un monstre ou de quelque magicien ; l'un ne vaut pas mieux que l'autre.

Dans Les Amours de Jupiter et Sémélé (1666) de Claude Boyer une accusation semblable est portée contre Jupiter :

ALCMEON
Accable un malheureux, ou me rends ma Princesse ;
Tu me l’ôtes ; cruel ; et ton charme trompeur
Ainsi que sur mon bras a passé dans son cœur.
Princesse ouvrez les yeux et voyez l’imposture
D’un art affreux et noir, qui force la nature.
Vous laissez vous surprendre aux charmes d’un trompeur ?

SEMELE
Vous même connaissez ce divin enchanteur,
Qui sous les faibles traits d’un enfant de la terre,
Cache le puissant Dieu qui lance le tonnerre.
(Acte II, scène 3, vv. 889-897)

JUNON
Oui je viens de sa part vous tirer d’une erreur,
Qui vous livre aux désirs d’un infâme imposteur.
Un amant qui se cache et qui n’ose paraître
Se nomme Jupiter et se vante de l’être ;
L’Enfer preste à sa flamme un merveilleux pouvoir,
Et tout ce qu’en ces lieux ces charmes vous font voir
N’est qu’une illusion d’images empruntées,
Et le pompeux amas de beautés enchantées.
(Acte III, scène 4, vv. 1172-1179)




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