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Petit opéra impromptu


"C'est proprement ici un petit opéra impromptu, et vous n'allez entendre chanter que de la prose cadencée, ou des manières de vers libres, tels que la passion et la nécessité peuvent faire trouver à deux personnes, qui disent les choses d'eux-mêmes, et parlent sur-le-champ."
Le Malade imaginaire, II, 5

Le terme "opéra", présent dans la langue au moins depuis les premières représentations en musique commandées par le cardinal de Mazarin dans les années 1640, conserve son caractère exotique (écrit sans accent et ne prenant pas de -s au pluriel jusqu'au XVIIIe siècle).

L'insistance des personnages à répéter le mot peut renvoyer à la récente fondation de l'"Académie d'Opera" (1) ainsi qu'au sous-titre de la Pomone de Pierre Perrin créée le 3 mars 1671 (2).

(1)

Lettres patentes du roy pour establir, par tout le royaume, des academies d'Opera, où représentations en musique, en langue françoise, sur le pied de celles d'Italie.
LOUIS, par la grâce de Dieu, Roi de France et de Navarre, à tous ceux qui ces présentes Lettres verront, Salut. Notre aimé et féal Pierre Perrin, conseiller en nos conseils, et introducteur des ambassadeurs près la personne de feu notre très cher et bienaimé oncle le duc d’Orléans, nous a très humblement fait remontrer, que depuis quelques années les Italiens ont établi diverses Académies, dans lesquelles il se fait des représentations en musique, qu’on nomme opera ; que ces Académies étant composées des plus excellents musiciens du Pape et autres princes, même de personnes d’honnête famille, nobles et gentilshommes de naissance, très savants et expérimentés en l’art de la musique, qui y vont chanter, font à présent les plus beaux spectacles et les plus agréables divertissements, non seulement des villes de Rome, Venise, et autres cours d’Italie; mais encore ceux des villes et cours d’Allemagne et Angleterre, où lesdites Académies ont été pareillement établies à l’imitation des Italiens; que ceux qui font les frais nécessaires pour lesdites représentations se remboursent de leurs avances sur ce qui se prend du public à la porte des lieux où elles se font. Enfin que s’il nous plaisait lui accorder la permission d’établir dans notre royaume de pareilles Académies, pour y faire chanter en public de pareils opera, on représentations en musique en langue française, il espère que non-seulement ces choses contribueraient à notre divertissement et à celui du public, mais encore que nos sujets s'accoutumant au goût de la musique, se porteraient insensiblement à se perfectionner en cet art, l’un des plus nobles des libéraux.

A ces causes, désirant contribuer à l’avancement des arts dans notre royaume, et traiter favorablement ledit exposant, tant en considération des services qu'il a rendus à feu notre très cher et bienaimé oncle le duc d’Orléans,que de ceux qu’il nous rend depuis plusieurs années en la composition des paroles de musique qui se chantent tant en notre chapelle qu’en notre chambre : nous avons audit Perrin accordé et octroyé, accordons et octroyons, par ces présentes signées de notre main, la permission d’établir en notre bonne ville de Paris et autres de notre royaume, des Académies composées de tel nombre et qualité de personnes qu’il avisera, pour y représenter et chanter en public des opera et représentations en musique en vers français, pareilles et. semblables à celles d’Italie. Et pour dédommager l’exposant des grands frais qu’il conviendra faire pour lesdites représentations, tant pour les théâtres, machines, décorations, habits, qu’autres choses nécessaires; nous lui permettons de prendre du public telles sommes qu’il avisera, et à cette fin d’établir des gardes et autres gens nécessaires à la porte (les lieux où se feront lesdites représentations ; faisant très expresses inhibitions et défenses à toutes personnes de quelque qualité et condition qu’elles soient, même aux officiers de notre maison, d’y entrer sans payer, et de faire chanter de pareilles opera ou représentations en musique en vers français, dans toute l’étendue de notre royaume pendant douze années, sans le consentement et permission dudit exposant; à peine de dix mil livres d’amende, confiscation des théâtres, machines et habits, applicables un tiers à nous, un tiers à l’hôpital général, et l’autre tiers audit exposant. Et attendu que lesdits opera et représentations sont des ouvrages de musique tous différents des comédies récitées, et que nous les érigeons par cesdites présentes sur le pied de celles des Académies d’Italie, où les gentilshommes chantent sans déroger ;

Voulons et Nous plaît, que tous gentilshommes, damoiselles, et autres personnes, puissent chanter auxdits opera, sans que pour ce ils dérogent au titre de noblesse, ni à leurs privilèges, charges, droits et immunités. Révoquons par ces présentes toutes permissions et privilèges que Nous pourrions avoir ci-devant donnés et accordés, tant pour raison desdits opera que pour réciter des comédies en musique, sous quelques noms, qualités, conditions et prétextes que ce puisse être. Si donnons en mandement à nos aimés et féaux conseillers les gens tenant notre cour de Parlement à Paris, et autres nos justiciers et officiers qu’il appartiendra, que ces présentes ils aient à faire lire, publier et enregistrer, et du contenu en icelles, faire jouir et user ledit exposant pleinement et paisiblement, cessant et faisant cesser tous troubles et empêchements an contraire. Car tel est notre plaisir.

Donné à S. Germain en Laye le 28e jour de Juin 1669, et de notre règne le vingt-septième. Signé LOUIS, et sur le repli, par le roi, COLBERT. Et scellé du grand sceau de cire jaune.

(2)

Pomone. Opera, ou représentation en musique. Pastorale. Composée par Monsieur Perrin, conseiller du Roi en ses conseils, introducteur des ambassadeurs près feu Monseigneur le duc d'Orléans. Mise en musique par Mr Cambert, intendant de la Musique de feue la Reine. Et représentée par l'Académie Royale des Opera.




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