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Pas un morceau de pain


"Je vous assure, Monsieur, que le plus souvent je n'ai pas un morceau de pain à me mettre sous les dents".
Don Juan ou le Festin de pierre, III, 2

Les appels à la commisération et à la charité envers les pauvres mourant de faim émaillaient le sermon "Sur le mauvais riche", prêché par Bossuet lors du Carême du Louvre en 1662 :

Se peut-il faire que vous entendiez la voix languissante des pauvres qui tremblent devant vous, qui sont honteux de leur misère, accoutumés à la surmonter par un travail assidu. C'est pourquoi ils meurent de faim; oui, Messieurs, ils meurent de faim dans vos terres, dans vos châteaux, dans les villes, dans les campagnes, à la porte et aux environs de vos hôtels : nul ne court à leur aide. Hélas! ils ne vous demandent que le superflu, quelques miettes de votre table, quelques restes de votre grande chère.
[...]
Dans les provinces éloignées, et même dans cette ville, au milieu de tant de plaisirs et de tant d'excès, une infinité de familles meurent de faim et de désespoir: vérité constante, publique, assurée. O calamité de nos jours! Quelle joie pouvons-nous avoir? Faut-il que nous voyions de si grands malheurs! Et ne nous semble-t-il pas qu'à chaque moment tant de cruelles extrémités que nous savons, que nous entendons de toutes parts, nous reprochent devant Dieu et devant les hommes ce que nous donnons à nos sens, à notre curiosité, à notre luxe? Qu'on ne demande plus maintenant jusqu'où va l'obligation d'assister les pauvres! La faim a tranché ce doute, le désespoir a terminé la question, et nous sommes réduits à ces cas extrêmes où tous les Pères et tous les théologiens nous enseignent, d'un commun accord, que, si l'on n'aide le prochain selon son pouvoir, on est coupable de sa mort, on rendra compte à Dieu de son sang, de son âme, de tous les excès où la fureur de la faim et le désespoir le précipite.
(Oeuvres oratoires de Bossuet, éd. Lebarq, 1922, t. IV,p. 210-212)




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