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Par belle malice


"Oh dame, interrompez-moi donc si vous voulez, je ne saurais disputer si l'on ne m'interrompt, vous vous taisez exprès, et me laissez parler par belle malice."
Don Juan ou le Festin de pierre, III, 1

Dans le Théoclée ou la Vraie Philosophie des principes du monde (1646) de Charles Cotin, un personnage embrouillé par son interlocuteur, était amené à admettre les arguments d'Epicure :

J’avais beaucoup de difficultés à vous proposer, pour m’instruire auprès de vous, car il ne m’arrivera plus d’y disputer de ma vie ; mais par une malice qui ne se peut assez exprimer, ce Lisis, en me promenant de tous côtés, et me faisant parler ici d’une chose et là d’une autre, m’a si fort embarrassé en mes discours, que par mes propres sentiment j’ai été je ne sais comment convaincu que tout ce qu’Epicure prend pour défaut dans le monde y tient lieu de perfection.
(Partie II, p. 44)

Le jeu de scène dans lequel un personnage laisse parler son contradicteur jusqu'à ce qu'il s'embarrasse était caractéristique de la commedia dell'arte, si l'on en croit les Mémoires du Cardinal de Retz :

Je ne vous saurais, dit-il, mieux expliquer l’issue de cette conférence qu’en vous suppliant de vous ressouvenir de ce que vous avez vu quelquefois à la comédie italienne. La comparaison est beaucoup irrespectueuse, et je ne prendrais pas la liberté de la faire si elle était de mon invention ; ce fut Madame elle-même à qui elle vint dans l’esprit, aussitôt que Monsieur fut sorti du cabinet, et elle la fit moitié en riant, moitié en pleurant. Il me semble, me dit-elle, que je vois Trivelin qui dit à Scaramouche : “Que je t'aurais dit de belles choses, si tu n'avais pas eu assez d'esprit pour ne me pas contredire !”
(Seconde partie, octobre 1652) (source : Molière, Œuvres, éd. Despois-Menard, 1875-1900, t. V, p. 142)

On en trouve une version dans la comédie Le Fou raisonnable (1663) de Raymond Poisson. Le personnage s'exclame, à la fin d'une longue tirade :

Prétendez-vous, Monsieur, que je parle sans cesse ?
Parlez à votre tour, je serais un bon sot
De parler plus longtemps à qui ne dit mot.
Vous me croyez peut-être ignorant comme en Flandre.
Si vous croyez cela, vous pourriez vous méprendre.
Depuis sept ou huit ans que je ne vous ai vu,
Je puis sans vanité vous dire que j'ai lu
Et que j'ai retenu ; de plus, je sais l'histoire...
Oui, morbleu, je la sais mieux que je n'ai su boire,
C'est vous dire, je crois que je la sais fort bien,
Et que je vaux l'honneur d'avoir votre entretien.
(I, 1, p. 4-5)




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