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Non point par charité, mais par un trait d'envie


"Il leur est dur de voir déserter les galants.
Dans un tel abandon, leur sombre inquiétude
Ne voit d'autre recours que le métier de prude ;
Et la sévérité de ces femmes de bien,
Censure toute chose, et ne pardonne à rien ;
Hautement, d'un chacun, elles blâment la vie,
Non point par charité, mais par un trait d'envie
Qui ne saurait souffrir qu'une autre ait les plaisirs,
Dont le penchant de l'âge a sevré leurs désirs."
Le Tartuffe, I, 1, v. 132-140

On lit une interprétation similaire du comportement de la prude dans La Précieuse (1656-1658) de l'abbé de Pure :

Mais ce n'est pas encore la plus haute injustice : il y en a une que les prudes font aux plus belles femmes et aux raisonnables amitiés. Ces prudes, pour l'ordinaire, ou sont vieilles ou ont blanchi dans les fatigues de ce dieu vainqueur ; l'expérience les a rendues plus chagrines que sévères et le regret du passé leur rend le présent insupportable ; ou bien elles ont passé la jeunesse dans des amusements chagrins et n'ont eu que des épines pour la fleur de leurs jeunes ans. Les premières jugent par dépit, les secondes par ignorance ; les unes et les autres avec injustice.
(de Pure, La Précieuse, t. II, éd. Magne, 1938, p. 263).

L'idée que la sévérité de la prude est un effet de son dépit est fréquente dans la littérature mondaine (voir "qui m'attache à tous vos intérêts" et "cette affectation d'un grave extérieur").

Dans Le Misanthrope, Célimène ironisait de même, à propos de la prude Arsinoé : "un amant plairait fort à la dame".




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