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N'est-ce pas assez d'un pour tuer une personne


"Que voulez-vous donc faire, Monsieur, de quatre médecins? N'est-ce pas assez d'un pour tuer une personne ?"
L'Amour médecin, II, 1

Une plaisanterie semblable est formulée par le valet de l'entremes La prueba de los doctores (1632) de Castillo Solorzano à l'arrivée de collège de médecins venus soigner son maître (1).

Elle s'inscrit dans une tradition de bons mots sur les médecins assassins bien représentée en France (voir "je ferai aussi bien mourir").

Dans son problème XX ("Faut-il déférer aux invectives dont usent beaucoup de personnes, à l'exemple du vieil Caton, contre la médecine ?", Problèmes sceptiques, 1666), La Mothe le Vayer reprend l'idée et indique la circonstance aggravante de la consultation à plusieurs (2).

Il avait été précédée dans cette dénonciation par


(1)

Truchado se dit que sa maîtresse Brigida doit être désireuse de se délivrer de son mari pour faire venir des médecins si rapidement et en si grand nombre.

TRUCHADO
Juntar a tantos galenos
tan presto ! Brigida quiere,
cansada ya de marido,
las reverendas ponerse.
(éd. D. E. Lotarelo y Mori, Coleccion de entremeses, 1911, "Nueva Biblioteca de Autores Españoles", p. 316)

(2)

Il y a longtemps qu'on a prononcé que le soleil éclairait leurs bonnes oeuvres, et qu'heureusement pour eux la terre couvre les mauvaises. Un Grec a écrit de même qu'il n'est permis qu'aux juges et aux médecins de faire mourir les hommes impunément. Quoi qu'il en soit, on ne saurait nier que, si un médecin doit être estimé, plusieurs ensemble le seraient encore davantage, parce que la nature du bien porte que sa multiplication le rend encore meilleur, bonum bono additum si majus. Cependant personne n'ignore le mot de l'empereur Hadrien qu'il prononça en mourant : turba medicorum interfecit regem. Les assemblées que ces galénistes appellent des consultations produisent tous les jours de semblables effets; et un passage de Sénèque témoigne que c'était la même chose de son temps, multorum medicorum consilia devita, qui parum docti, et multum seduli multos officiosissime occidunt.
(éd. des Oeuvres de 1756, V, 2, p. 284-285)

(3)

Celui-là de leurs docteurs est plus sage, qui leur a anciennement prescrit, qu'un seul se mêle de traiter un malade: car, s'il ne fait rien qui vaille, le reproche à l'art de la médecine n'en sera pas fort grand pour la faute d'un homme seul: et au rebours, la gloire en sera grande, s'il vient à bien rencontrer; au lieu que quand ils sont beaucoup, ils décrient à tous les coups le métier, d'autant qu'il leur advient de faire plus souvent mal que bien.
(éd. C. Journel, Paris, 1659, p. 796.)

(4)

Quand ils s'assemblent en consultation de médecine, pour examiner ce que le malade aura pissé ou fienté cette nuit-là, et pour donner sentence de vie ou de mort, ainsi que les Ephores de Lacédémone, c'est chose merveilleuse, mais déplorable, par quelles misérables altercations ils combattent entre eux autour du lit du malade, étant tous de contraire avis les uns aux autres, comme s'ils avaient été appelés là non pour donner remèdes, mais pour disputer, ou que le malade, auquel tout long propos est fâcheux, à qui le babil du médecin principalement est redoublement de mal, selon le proverbe grec de Ménandre, eût besoin de leurs paroles, et non de leur secours. Enfin, ayant mis en avant par parade certains aphorismes qu'ils ont toujours prêts et font servir à tous usages, à la façon des écoles, et ayant invoqué Hippocrate, Galien, Avicenne, Rasis, Averroès, le Conciliateur et autres dieux de leur secte, les noms et titres desquels leur servent bien souvent suffisamment pour toute doctrine, pour acquérir crédit envers le peuple ignorant; après avoir longtemps débattu à bon escient (sans toutefois décider leurs différents) des causes des signes, des affections ou passions, des humeurs, des jours critiques ou judiciels, enfin ils viennent au remède, qui était le chef et la queue de toute l'affaire, et par là ensemble composent une froide et débile ordonnance. [...] Partant Rhasis, qui savait que c'était de la sotte crédulité des malades et de la contentieuse ignorance des médecins, conseille assez prudemment à l'un et à l'autre, au médecin, dis-je et au malade, en ses aphorismes, que l'on ne doit prendre qu'un médecin, pour autant que l'erreur d'un seul ne lui apporte grand blâme et l'utilité qu'un seul fait au malade lui acquiert grande louange. Mais quand l'on appelle plusieurs médecins, l'on l'abandonne à plusieurs erreurs.
(traduction de 1582, p. 432-433)

(5)

nec dubium est omnes istos famam novitate aliqua aucupantes anima statim nostra negotiari.[...] hinc illa infelicis monumenti inscriptio: turba se medicorum perisse.
(Historia naturalis, XXIX), V, 11 (traduction française)




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