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Mes yeux ont fort parlé


"Elle m'a vu toujours comme une ombre après elle,
Et mes regards aux siens ont tâché chaque jour
De pouvoir expliquer l'excès de mon amour.
Mes yeux ont fort parlé ; mais qui me peut apprendre
Si leur langage enfin a pu se faire entendre ?"
L'Ecole des maris, I, 4 (v. 348-352)

Le lieu commun du "langage des yeux" se trouve à diverses reprises dans les recueils de maximes d'amour des années 1660 (1).

Les réserves qu'émet Valère sur la fiabilité du langage des yeux sont fréquemment formulées dans les romans galants, au permier rang desquels Le Grand Cyrus (1649-1653) des Scudéry (2).

La question de savoir si les yeux sont plus éloquents que la bouche est soulevée dans un dialogue plaisant du Recueil des pièces en prose les plus agréables de ce temps de 1660 (3).

Voir aussi "ce que mes regards lui disent" et "sans employer la langue, il est des interprètes".


(1)

Les yeux et les regards sont fort éloquents entre les amants
(Maximes d’amour, Barbin, 1666, section « Regards », maxime 17, p. 167-168)

Les regards tendres parlent éloquemment et persuadent aisément
(ibid, maxime 20, p. 168)

Les premiers discours de l’amour se font par les yeux et par les soupirs
(ibid, maxime 24, p. 169)

Le langage des yeux n’est pas éloquent si l’on n’y prend bien garde
(ibid, maxime 25, p. 169)

Les yeux pénètrent jusque dans le cœur
(ibid, maxime 30, p. 169)

Les amants timides s’expliquent assez par les regards
(ibid, maxime 33, p. 170)

Les amants se disent leurs amoureux désirs par des regards éloquents et tendres
(ibid, maxime 35, p. 170)

Le regard et les soupirs sont le langage de l’amour
(ibid, maxime 37, p. 170)

--

(2)

Je suis assuré, que quoique vous lui plaisiez infiniment, il ne sait pourquoi vous lui plaisez. Il y a je ne sais quoi sur votre visage, poursuivit Callicrate, qui passe sa connaissance : il n'entend point du tout le langage de vos yeux.
(p. 3575)

Le respect que Timarète commençait de vouloir avoir pour lui, mettait je ne sais quelle contrainte dans ses regards, qui en troublait toute la douceur, et qui faisait que Sésostris n'entendait point bien leur langage, lui qui avait accoutumé de connaître les sentiments les plus cachés du coeur de sa bergère, dès qu'il avait rencontré ses yeux dans les siens.
(p. 3939)

Si j'avais remarqué que vos yeux eussent entendu les miens, je ne vous aurais pas écrit que je meurs d'amour pour vous; mais comme il ne m'a pas semblé que leur langage vous fût intelligible, j'ai cru qu'il y avait encore plus de respect à vous écrire qu'à vous parler.
(p. 4128)

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(3)

Dialogue des yeux et de la bouche

Les yeux :
Un amant qui vient de passer par ici a bien témoigné quelle est la force de notre empire. A toutes les fois qu’il s’est présenté à nous, il a été blessé de nos traits […] Il s’en va avec le trait qu’il porte dans le cœur, plus en peine et en souci que n’est le cerf qui a reçu un coup de flèche […]

La bouche :
Il faut donc qu’ils soient après expliqués de la bouche de leurs prêtres, et enfin vous trouverez que je suis toujours nécessaire. Ceux qu’on estime les plus savants dans le monde, et qui ont le plus de pouvoir de gouverner la multitude, ce sont ceux qui parlent le mieux […] Enfin je ne suis pas moins nécessaire dans la police générale des hommes que dans les intrigues de l’Amour.
(Recueil des pièces en prose les plus agréables de ce temps, Paris, Sercy, 1660, p. 263-264)




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