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Me laisser aller à tout ce qui m'attire


"L'engagement ne compatit point avec mon humeur. J'aime la liberté en amour, tu le sais, et je ne saurais me résoudre à renfermer mon cœur entre quatre murailles. Je te l'ai dit vingt fois, j'ai une pente naturelle à me laisser aller à tout ce qui m'attire. "
Don Juan ou le Festin de pierre, III, 5

L'inconstance de la concupiscence avait été décrite dans le sermon "Sur l'amour des plaisirs", prêché par Bossuet lors du Carême du Louvre en 1662 :

Nous voyons par expérience que tout l'agrément des sens est dans la variété ; et c'est pourquoi l'Ecriture dit que « la concupiscence est inconstante : » Inconstantia concupiscentiœ, parce que dans toute l'étendue des choses sensibles, il n'y a point de si agréable situation que le temps ne rende ennuyeuse et insupportable. Quiconque donc s'attache au sensible, il faut qu'il erre nécessairement d'objets en objets et se trompe pour ainsi dire en changeant de place. Ainsi qu'est-ce antre chose que la vie des sens, qu'un mouvement alternatif de l'appétit au dégoût, et du dégoût à l'appétit, l’âme flottant toujours incertaine entre raideur qui se ralentit et l'ardeur qui se renouvelle : Inconstantia concupiscentiœ. Voilà ce que c'est que la vie des sens. Cependant dans ce mouvement perpétuel, on ne laisse pas de se divertir par l'image d'une liberté errante : Quasi quâdam libertate aurae perfruuntur vago quodam desiderio suo. Mais aussi quand il faut arrêter ses résolutions, cette âme accoutumée dès longtemps à courir deçà et delà partout où elle voit la campagne découverte, à suivre ses humeurs et ses fantaisies, et à se laisser tirer sans résistance par les objets plaisants, ne peut plus du tout se fixer. Cette constance, cette égalité, cette sévère régularité de la vertu lui fait peur, parce qu'elle n'y voit plus ces délices, ces doux changements, cette variété qui égaie les sens, ces égarements agréables où ils semblent se promener avec liberté. C'est pourquoi cent fois on tente et cent fois on quitte, on rompt et on renoue bientôt avec les plaisirs. De là ces remises de jour en jour, ce demain qui ne vient jamais, cette occasion qui manque toujours, cette affaire qui ne finit point et dont on attend toujours la conclusion. O âme inconstante et irrésolue, ou plutôt trop déterminée et trop résolue pour ne pouvoir te résoudre, iras-tu toujours errant d'objets en objets, sans jamais t'arrêter au bien véritable?
(éd; de 1862, t. IX, p. 206)




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