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Me ferez-vous la grâce
- "Me ferez-vous la grâce, Don Juan, de vouloir bien me reconnaître, et puis-je au moins espérer que vous daigniez tourner le visage de ce côté? - Madame, je vous avoue que je suis surpris, et que je ne vous attendais pas ici."
- Don Juan ou le Festin de pierre, I, 3
Une scène de la comédie Le Feint Astrologue (1651) de Thomas Corneille opposait, en une situation semblable, un amant volage dénommé Don Juan à son ancienne amante qu'il avait tenté de fuir :
- LEONOR.
- Arrêtez un moment,
- Don Juan, et recevez du moins mon compliment,
- La civilité seule à cela vous convie.
- Une autre sous ses lois tient votre âme asservie,
- Et ce cœur si longtemps captif de ma beauté,
- Trouve enfin des appas dans l’infidélité :
- Eh bien, ce changement est assez ordinaire,
- Je le vois sans regret puisqu’il a pu vous plaire,
- Mais fuir à ma rencontre, et faire le surpris,
- C’est de l’indifférence aller jusqu’au mépris,
- Souvenez-vous du moins que vous m’avez aimée.
- D. JUAN.
- Dites mieux, que de moi vous fûtes estimée.
- Oui, Madame, si j’ose enfin parler sans fard,
- L’Amour dans mes devoirs n’eut jamais grande part :
- Je vous devais beaucoup, et faisais mon possible
- Pour vous montrer un cœur à vos bienfaits sensible,
- Mais il n’est plus saison de vous rien déguiser,
- Cessez d’être crédule et de vous abuser,
- D’un si charmant objet je reconnais l’empire
- Qu’avant que de changer il faudra que j’expire.
- LEONOR à Jacinte.
- Avec combien d’adresse il feint pour m’éprouver !
- D. JUAN.
- Par vos commandements je fus hier vous trouver,
- Vous ne voulûtes lors ni me voir, ni m’entendre,
- Après ce traitement rien ne vous doit surprendre,
- Ne vous étonnez point de ce que je vous fuis,
- C’est votre ordre, Madame, et je vous obéis.
- (V, 3)
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