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Mayolas, Lettre en vers et en prose au Roi du 8 décembre 1669


Mardi, du village d’Issy,
Musta-Feraga vint ici,
Fort bien monté sans raillerie ;
Aussi de la grande Écurie
Les chevaux plus beaux et plus fiers
Lui furent gaiement offerts.
Les acceptant avec franchise,
Il vint à l’Hôtel de Venise,
De tous ses gens environné
Et de grand monde accompagné. [26 Personnes.]
L’illustre de Lagebertie,
Pour qui j’ai de la sympathie,
Marchait alors à son côté
Avantageusement monté,
Et Duplessis et Bournonville,
Premiers Écuyers de la Ville
Ou des Écuries du ROI,
Y parurent en bel arroi.
Le lendemain on fut le prendre,
Par l’ordre de mon ALEXANDRE,
Par l’ordre de mon Potentat,
Dans un Carrosse, avec éclat,
Et l’Introducteur de Berlise, [des Ambassadeurs.]
Exécutant cette entreprise,
Jusqu’à Chatou le conduisit,
A dîner grand chère lui fit,
Dans une Maison, vaste et belle,
D’un Gentilhomme très fidèle,
Dans une agréable Maison
De l’illustre et brave Buisson.
Sans délai, la même journée
Au bout du Pec, l’après dînée,
À trois heures après midi,
Cet Envoyé, assez hardi,
Trouvant des chevaux d’importance,
Adroits et beaux par excellence,
Cavalièrement y monta
Et tout son monde l’escorta.
Entrant en Saint Germain en Laye
D’une façon gaillarde et gaie,
Il alla droit au neuf-Château,
Qui jamais ne parut si beau.
Toute la Cour était remplie :
Cavalerie, infanterie,
Était, certes, en un état
Digne de notre Potentat,
Dans une justesse si leste,
Que c’est un signe manifeste
Du pouvoir de mon Souverain.
Si, de ce magnifique train
Et de cette Royale escorte,
Ledit Envoyé de la Porte
Fut agréablement surpris,
Il n’admira pas moins le prix
De la riche Tapisserie,
De la Peinture, Argenterie
Et des superbes ornements
Qu’il vit dans les Appartements ;
Mais son âme fut bien ravie,
Traversant cette Galerie,
Où le Roi, qui, comme un Soleil,
Jetait un éclat sans pareil,
Reçut sur un Trône admirable,
D’un air aussi fier qu’agréable,
Cet Envoyé du grand Sultan
Et de tout l’empire Ottoman,
Qui de la part de sa Hautesse
Lui donna avec allégresse
(Le saluant très humblement)
Sa Lettre, avec son Compliment.
Le ROI l’ayant prise, la donne
Au fidèle et prudent Lyonne,
Qu’il mit après, par un bon choix,
Dans les mains du savant Lacroix,
Étant Secrétaire Interprète
De sa Majesté très parfaite.
Mais n’oublions pas en ce lieu
L’adroit et discret Arvieu, [Écuyer de Me la Maréchale de la Motte.]
Qui, d’une manière galante,
L’inscription de la patente,
De même que le compliment,
Expliqua fort fidemment
À ce monarque incomparable,
Qui ne peut trouver son semblable.
Cet Envoyé voyant LOUIS,
Ses yeux furent tout éblouis
De sa haute mine et prestance,
Comme de la magnificence
Des perles, diamants de prix,
Qui reluisaient sur ses habits.
Monsieur, du ROI le Frère unique,
Était brillant et magnifique ;
Du Duc d’Enghien le vêtement
Éclairait encor richement,
Ainsi que de mainte personne,
Des Officiers de la Couronne,
D’un grand nombre de Courtisans,
Fort bien faits et resplendissants ;
De sorte que ce Turc peut dire,
Après avoir vu notre SIRE,
Qu’il ne saurait voir aujourd’hui
Rien qui soit comparable à lui,
Et que sur la terre et sur l’onde
Aucun Prince ne le seconde.

(Texte saisi par David Chataignier à partir du Tome III (années 1668-69) de l'édition du Bon Nathan-James-Edouard de Rothschild et de Émile Picot, 1881-1883, Paris, D. Morgand et C. Fatout éditeurs).




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