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Mariez-vous à la philosophie


"Aspirez aux clartés qui sont dans la famille,
Et vous rendez sensible aux charmantes douceurs
Que l'amour de l'étude épanche dans les cœurs:
Loin d'être aux lois d'un homme en esclave asservie;
Mariez-vous, ma sœur, à la philosophie,
Qui nous monte au-dessus de tout le genre humain,
Et donne à la raison l'empire souverain,
Soumettant à ses lois la partie animale
Dont l'appétit grossier aux bêtes nous ravale.
Ce sont là les beaux feux, les doux attachements,
Qui doivent de la vie occuper les moments;
Et les soins où je vois tant de femmes sensibles,
Me paraissent aux yeux des pauvretés horribles."
Les Femmes savantes, I, 1, v. 38-51

Un point de vue identique avait été défendu dans l'Apologie de la science des dames, par Cléante (1662) :

Vous ravalez bien leur mérite lorsque vous leur défendez l’entrée de la philosophie, à quoi voulez-vous donc que dans les compagnies elles appliquent cette éloquence dont vous les flattez ? à louer un collet, à cajoler une jupe, à blâmer une mode : à moins que vous ne soyez ami de la prostitution, et curieux de voir des monstres, pouvez-vous abandonner une si noble forme à une si chétive matière ? […] la philosophie se plaît mieux dans leur bouche que dans nos écrits. […] Vous ne pouvez pas juger les dames éloquentes sans les réputer philosophes, et puisque la parole est le corps de notre raison, c’est une conviction de la nature, qui ne leur a donné ce talent de bien discourir, que parce qu’elles ont celui de philosopher judicieusement. Ce n’est pas que je conseille aux dames de se charger de syllogismes et de certaines questions dont l’être n’est qu’une chimère, laissons, Aristide, cet entretien aux pédants de l’Ecole, qui ne se nourrissent que d’excréments, et dans le champs des Belles Lettres ne moissonnent que la zizanie, je veux seulement qu’elles ornent leur conversation de ces connaissances douces et traitables qui s’accordent à leur politesse.
(p. 24-25)




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