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Métier et marchandise


"Ces gens, qui par une âme à l'intérêt soumise,
Font de dévotion métier et marchandise,
Et veulent acheter crédit, et dignités,"
Le Tartuffe, I, 5, v. 365-368

L'expression est utilisée dans le traité De la sagesse (1609) de Pierre Charron pour dénoncer la manière dont la religion peut servir de couverture à des ambitions matérielles et terrestres (1).

La dénonciation de ces pratiques est un lieu commun qu'on retrouve également dans


(1)

Ils font piété couverture d'impiété, ils font, comme l'on dit, métier et marchandise et allèguent leurs offices de dévotion en atténuation ou compensation de leurs vices et dissolutions.
(II, 5, § 26)

(2)

Sous le faux prétexte de servir Dieu, l'on se sert de lui et son sain nom n'est souvent qu'une couverture à nos plus grandes méchancetés. Quelle honte de mettre le paradis à prix d'argent ? de préférer l'encens ou le culte à la probité ? d'attribuer des sentiments à Dieu, que nous aurions honte d'imputer à un homme raisonnable ? [...] Aujourd'hui nous voulons avec impiété que Dieu prenne part dans tous nos intérêts ; nous serions bien fâchés d'avoir laissé à la porte de l'église la moindre de nos convoitises, et sous une feinte dévotion notre hypocrisie est telle que nous couvrons, comme le cygne, notre noirceur de la blancheur de nos plumes. [...] Plût à Dieu que nous eussions moins de sujet de remarquer combien le spécieux prétexte du zèle de la religion couvre, au temps où nous sommes, de dangereuses intentions.
(éd. des Oeuvres de 1756, VI, 1 p. 231)

(3)

Nous avons des Scribes et des Pharisiens, des Saducéens de la nouvelle Loi, des fripons, des filous, même en matière de Religion. On ne vit jamais plus de dévotion et de Moinerie et jamais si peu de Charité. Ce siècle ne me plaît point, disait Juste-Lipse, étant si fertile en Religion et si stérile en piété. Tous ces gens-là se servent du nom de Dieu pour faire leurs affaires et tromper le monde. La Religion est un grand manteau qui met bien des fourbes à couvert.
(Lettre du 6 août 1660, Lettres choisies de feu M. Guy Patin, 1692, p. 461-462)

Aujourd’hui j’apprends qu’il y a dans le Châtelet prisonnier un prêtre de trente-cinq ans, accusé et convaincu d’avoir débauché une jeune femme veuve, et lui avoir fait trois enfants qui sont morts, mais elle est grosse du quatrième. Il était son confesseur et directeur de conscience, c’est ce qui aggrave fort le fait. Elle est aussi prisonnière dans un monastère, d’où elle a aussi été menée au Châtelet pour leur être confrontée. Elle niait tout, mais elle a enfin tout avoué, voyant que le galant avait tout confessé. Voilà des fruits du célibat et de la faculté générative des prêtres. On dit qu’ils avaient délibéré de s’en aller tous deux à Genève et de s’y faire huguenots, après qu’elle aurait accouché et qu’elle aurait vendu tout son bien. Voilà comment ce bizarre et fantasque animal qu’on appelle homme se joue de la religion, et s’en sert ou à son plaisir ou à son profit. Vous savez ce que dit là-dessus Virgile : Sua cuique deus fit dira libido.
(Lettre du 5 juillet 1661, éd. J. H. Reveillé-Parise, 1846, t. III, p. 378)




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