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Métier misérable


"Je vous trouve tous trois bien impertinents, de parler devant moi avec cette arrogance; et de donner impudemment le nom de science à des choses que l'on ne doit pas même honorer du nom d'art, et qui ne peuvent être comprises que sous le nom de métier misérable de gladiateur, de chanteur, et de baladin!"
Le Bourgeois gentilhomme II, 3

L'inculture des maîtres de musique était déplorée dans L'Art de bien chanter (1671) de Bénigne de Bacilly :

La plupart des maîtres même y étaient si grossiers faute d'avoir été instruits de jeunesse dans les lettres, qu'à peine savent-ils ce que c'est que syllabe, que consonne, que voyelle, que pluriel et singulier, que masculin et féminin.
(avant-propos, n. p.)

Il est à propos qu'un maître sache bien la langue française, non pas comme le vulgaire, mais je veux dire qu'il connaisse fort bien le sens des paroles, la prononciation et la quantité. Mais au contraire on en voit de si ignorants (qui toutefois ont une fausse réputation) qu'ils couchent sur le papier des paroles où il n'y a, comme on dit vulgairement, ni rime ni raison, en prenant un mot pour l'autre, ou le coupant en quatre, et dont je veux taire cent exemples qui se remarquent tous les jours, ou plutôt qui ne se remarquent point, car enfin on les renverrait à l'école.
(p. 66-67)

L'édition de 1679 ("augmenté d'un discours qui sert de réponse à la critique de ce traité") revient sur cette lacune, en relevant que la profession

s’est rendue méprisable par le peu de gens qui ont eu soin d’y joindre un peu d’étude des lettres et de politesse dans le langage, et qui se sont bornés à ce talent, sans penser à se corriger des défauts qui, d’ordinaire, l’accompagnent, je veux dire pour les mœurs et pour savoir converser parmi le monde ; ce qui fait que l’on confond la qualité de chanteur avec celle de ménestrier.
(p. 9)

Dans le traité De l'art de régner (1665) du Père Le Moyne, l'art de la danse avait été présenter comme un art de baladin, indigne d'un souverain :

Ai-je été chargé du sceptre et de la couronne, ai-je été mis sur le trône, pour faire des châteaux de boue auec le sceptre? pour donner le couvert sous la couronne à des grotesques et à des chimères ? pour mettre en crédit les passions, pour autoriser les vices, en leur faisant place auprès de moi sur le trône? Semblables réflexions seront bien aussi utiles au prince que les propositions d'un alchimiste et il lui sera bien aussi profitable de s'instruire lui-même de la sorte que de prendre des leçons d'un baladin ou d'un escrimeur.
(p. 28)




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