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Loret, La Muse historique, Lettre XLIV du samedi 8 novembre 1664


Lettre XLIV, du samedi 8 novembre 1664, « Attendante ».

[...]
De Monsieur, la Troupe Comique,
Qui sait aussi mettre en pratique
Cet Art moralement plaisant,
Qui nous charme en nous instruisant,
En public, mêmement, expose
(Partie en vers, partie en Prose)
Un Poème si bien tourné,
Et de tant d’agréments orné,
Que, certes, si je ne me trompe,
Chacun doit admirer sa pompe,
Ses grâces, ses naïvetés,
Et ses rares diversités.
J’en puis rendre ce témoignage,
Grâce aux Dieux, je vis cet Ouvrage,
Ouvrage fin et délicat,
Dont Monsieur l’Éminent Légat,
Eut dans une superbe Salle
A Fontainebleau le Régale ;
Il la vit attentivement,
Il y prit grand contentement ;
Et malgré son humeur hautaine,
Quittant la gravité Romaine,
Il rit fort aux endroits plaisants,
Aussi bien que nos Courtisans.

Cette Pièce si singulière,
Est de la façon de Molière,
Dont l’esprit doublement docteur,
Est aussi bien Auteur, qu’Acteur,
Et que l’on tient par excellence,
De son temps, le Plaute, ou Térence.

La Pièce dont je parle ici,
Laquelle a si bien réussi,
Est un sujet noble et splendide,
Et c’est la Princesse d’Élide.
Qu’elle se nomme proprement,
Vous assurant avec serment,
Que l’Actrice au joli visage, [Mademoiselle de Molière.]
Qui joue icelui Personnage,
Le représente, au gré de tous,
D’un air si charmant et si doux,
Que la feue aimable Baronne,
Actrice si belle et si bonne,
Et qui plaisait tant à nos yeux,
Jadis, ne l’aurait pas fait mieux.

Avec raison, donc, je puis dire,
Que la Troupe de notre Sire,
Et celle du Palais Royal,
Ne nous divertiront pas mal
Durant environ deux semaines
Puisqu’on verra dessus leurs Scènes
Paraître deux Sujets si beaux,
Si bien joués et si nouveaux.

(Texte saisi par David Chataignier à partir du Tome IV (années 1663-65) de l'édition de Ch.-L. Livet de 1878, Paris, Daffis éditeur).




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