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Loret, La Muse historique, lettre II du samedi 13 janvier 1663


Lettre II, samedi 13 janvier 1663, "Gourde".

Le Roi festoya, l’autre jour,
La plus fine Fleur de sa Cour,
Savoir sa Mère, et son Épouse,
Et d’autres jusqu’à plus de douze,
Dont ce Monarque avait fait choix.
Ce fut la veille, ou jour des Rois ;
Certes, ce Festin admirable
N’eut jamais rien de comparable,
Plusieurs sont d’accord sur ce point ;
Et quoi que je n’y fusse point,
J’en puis bien tenir ce langage :
Car un solide personnage
Qui vit ce rare Soûper-là,
M’en a parlé comme cela,
Mais sans me dire chose aucune
Des noms de chacun et chacune
Qui furent du susdit repas,
Ainsi, je ne les nomme pas.

Pour ce premier et charmant Régale,
Avant cette chère Royale,
Où raisonna maint violon,
Dans une Salle, ou beau Salon,
Pour divertir Seigneurs et Dames,
On joua l’École des Femmes,
Qui fit rire Leurs Majestés
Jusqu’à s’en tenir les côtés,
Pièce, aucunement, instructive,
Et, tout à fait, récréative,
Pièce, dont Molière est Auteur,
Et, même, principal Acteur,
Pièce qu’en plusieurs lieux on fronde ;
Mais où pourtant va tant de monde,
Que, jamais, Sujet important
Pour le voir, n’en attira tant,
Quant à moi, ce que j’en puis dire,
C’est que, pour extrêmement rire,
Faut voir, avec attention,
Cette représentation,
Qui peut, dans son genre Comique,
Charmer le plus mélancolique,
Surtout, par les simplicités,
Ou plaisantes naïvetés,
D’Agnès, d’Alain, et de Georgette,
Maîtresse, Valet, et Soubrette :
Voilà dès le commencement,
Quel fut mon propre sentiment,
Sans être, pourtant, adversaire
De ceux qui sont d’avis contraire,
Soit Gens d’esprit, soit innocents,
Car chacun abonde en son sens.

(Texte saisi par David Chataignier à partir du Tome IV (années 1663-65) de l'édition de Ch.-L. Livet de 1878, Paris, Daffis éditeur).




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