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Les plus honnêtes sont les plus dangereuses


"Je sais qu'il y a des esprits dont la délicatesse ne peut souffrir aucune comédie, qui disent que les plus honnêtes sont les plus dangereuses ; que les passions que l'on y dépeint sont d'autant plus touchantes qu'elles sont pleines de vertu, et que les âmes sont attendries par ces sortes de représentations. "
Le Tartuffe, Préface

La dangerosité de la comédie est dénoncée à plusieurs reprises

Mais si nous en voulons juger sans prévention, nous avouerons que plus elle est charmante, plus elle est dangereuse ; et j’ajouterais même que plus elle semble honnête, plus je la tiens criminelle.
(éd. L. Thirouin, in Pierre Nicole. Traité de la comédie et autres pièces d'un procès du théâtre, 1998, p. 142)

II.
Comme la passion de l’amour est la plus forte impression que le péché ait faite dans nos âmes, ainsi qu’il paraît assez par les désordres horribles qu’elle produit dans le monde, il n’y a rien de plus dangereux que de l’exciter, de la nourrir et de détruire ce qui la retient. Or le principal frein qui sert à l'arrêter est une certaine horreur que la coutume et la bonne éducation en impriment; et rien ne diminue davantage cette horreur que la comédie, parce que cette passion y paraît avec horreur et d'une manière qui, au lieu de la rendre horrible, est capable au contraire de la faire aimer. Elle y paraît sans honte et sans infamie. On y fait gloire d'en être touché. Ainsi l'esprit s'apprivoise peu à peu. On apprend à la souffrir et à en parler, et l'âme s'y laisse ensuite doucement aller en suivant la pente de la nature.
(éd. L. Thirouin, in Pierre Nicole. Traité de la comédie et autres pièces d'un procès du théâtre, 1998, p. 38)

XIX
Ce qui rend l’image des passions que les comédies nous proposent plus dangereuse, c’est que les poètes, pour les rendre agréables, sont obligés, non seulement de les représenter d’une manière fort vive, mais aussi de les dépouiller de ce qu’elles ont de plus horrible, et de les farder tellement par l'adresse de leur esprit qu'au lieu d'attirer la haine et l'aversion des spectateurs, elles attirent au contraire leur affection.
(ibid;, p. 75-76)

J'ose même dire que cette apparence d'honnêteté et le retranchement des choses immodestes le rend beaucoup plus à craindre. Il n'y aurait que les libertins qui peuvent voir les pièces déshonnêtes : les femmes de qualité et de vertu en auraient de l'horreur, au lieu que l'état présent de la comédie ne faisant aucune peine à la pudeur attachée à leur sexe, elles ne se défendent pas d'un poison aussi dangereux et plus caché que l'autre qu'elle avalent sans le connaître, et qu'elles aiment lors même qu'il les tue.
(p. 31)



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