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Les grâces du ciel que l'on renvoie


"Les grâces du Ciel que l'on renvoie, ouvrent un chemin à sa foudre."
Don Juan ou le Festin de pierre, V, 6

La même idée avait été mise en évidence dans le sermon "Sur l'ardeur de la pénitence", que Bossuet avait prononcé lors du Carême du Louvre en 1662 :

Je veux donc dire, mes Frères, que l'amour de Dieu, indigné par le mépris de ses grâces, appuie la main sur un cœur rebelle avec une efficace extraordinaire. L'Écriture, toujours puissante pour exprimer fortement les œuvres de Dieu, nous explique cette efficace par une certaine joie qu'elle fait voir dans le cœur d'un Dieu pour se venger d'un ingrat. Mais, Chrétiens, est-il possible que cette joie de punir se trouve dans le cœur d'un Dieu, source infinie de bonté? Oui, sans doute, quand il y est forcé par l'ingratitude.
[...]
Car il sait ce qui est dû à son amour victorieux, et il ne laisse pas ainsi perdre ses grâces. Non, elles ne périssent pas : ces grâces rebutées, ces grâces dédaignées, ces grâces frustrées, il les rappelle à lui-même, il les ramasse en son propre sein, où sa justice les tourne toutes en traits pénétrants, dont les cœurs ingrats sont percés.
[...]
O poids des grâces rejetées, poids des bienfaits méprisés, plus insupportable que les peines mêmes, ou plutôt, et pour dire mieux, accroissement infini dans les peines! Ha! mes Frères, que j'appréhende que ce poids ne tombe sur vous, et qu'il n'y tombe bientôt! Et en effet, Chrétiens, si la grâce refusée aggrave le poids des supplices, elle en précipite le cours. Car il est bien naturel qu'un cœur épuisé par l'excès de son abondance fasse tarir la source des grâces pour ouvrir tout à coup celle des vengeances.
(Oeuvres oratoires de Bossuet, éd. Lebarq, 1922, t. IV, p. 330-331)

Auparavant elle avait été formulée dans les Stances sur diverses vérités chrétiennes (1642) d’Arnauld d’Andilly :

LXXXVI
En méprisant la grâce de Dieu, on tombe dans sa justice
Par différents accords une heureuse discorde
Maintient l’empire saint du Monarque Eternel ;
Il sauve l’innocent, damne le criminel,
Et règne par justice, et par miséricorde.
S’il a créé le ciel, il a créé l’enfer ;
Son bras a foudroyé l’orgueil de Lucifer ;
Et tu le vois levé sur ta tête coupable :
C’est un Dieu très clément, mais c’est un dieu jaloux ,
Et tu ne peux aller, que de lui favorable,
A lui-même embrasé du feu de son courroux.
(p. 46)

CXXVIII
L’âme touchée de Dieu doit sans différer répondre à sa grâce
Quand de ta vanité l ‘aveuglement extrême
Te donnant pour amour tes rares qualités,
Tu mets l'unique objet de tes félicités
A te voir adorer, et t'adorer toi-même;
Si Dieu pour dissiper cette nuit par son jour,
Et pénétrer ton coeur du feu de son amour,
Y lance un trait céleste, et brillant de lumière ;
Outre les yeux de l'âme en cet heureux moment ;
Et sans délibérer, entre dans la carrière,
Où t'appelle après lui cet adorable amant.
(p. 62)




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