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Les femmes docteurs ne sont point de mon goût


"Mon cœur n'a jamais pu, tant il est né sincère,
Même dans votre sœur flatter leur caractère,
Et les femmes docteurs ne sont point de mon goût."
Les Femmes savantes, I, 3, v. 213-214

Le rejet de la femme savante est exprimé dans de nombreux textes de la littérature mondaine :

Il avait fait l'objet précédemment d'un long développement argumentatif dans le traité du Sage résolu contre la fortune, ou le Pétrarque (1645) (8)


(1)
Je n'approuve pas davantage les femmes docteurs, que les femmes capitaines. Elle devrait vous considérer et profiter du bon exemple que vous donnez aux intelligentes et aux habiles. Vous savez une infinité de choses rares; mais vous n'en faites pas la savante, comme elle fait et ne les avez pas apprises pour tenir école. Vous lui parlez, Madame, quand elle vous prêche et répondant populairement à ses énigmes, et distinctement à sa confusion, vous lui rendez pour le moins ce bon office, c'est de l'expliquer elle-même. Ni au ton de la voix, ni en la manière de s'exprimer, on ne remarque rien en vous que de naturel et de français ; et quoique votre esprit soit d'un ordre extrêmement relevé, vous l'accommodez de telle sorte à la portée de qui que ce soit, que les bourgeois vous entendent lorsque les beaux esprits vous admirent. C'est beaucoup, Madame, d'avoir acquis les plus honnêtes connaissances qui se peuvent acquérir. Mais c'est encore davantage de s'en cacher comme d'un larcin, et de leur donner, comme vous faites, le nom de vos débauches secrètes. On voit votre canevas, votre soie et vos aiguilles ; mais vos livres et vos papiers ne paraissent point ; et celles qu'on surprend avec ceux qui ne sont pas leurs maris ne sont pas plus surprises que vous, quand on trouve entre vos mains un auteur qui n'est pas en notre langue. Vous n'avez donc garde, Madame, d'estimer votre contraire, quelque bonne mine que vous lui fassiez ; ni de changer la clarté de vos paroles pour son docte galimatias. La pédanterie n'est pas supportable en un maître ès arts ; comment le sera-t-elle en une femme ? Et quel moyen de l'ouïr parler un jour durant métamorphose et philosophie; mêler ensemble les idées de Platon, et les cinq voix de Porphyre ; ne faire pas un compliment, où elle n'emploie une douzaine d'horizons et d'hémisphères. Et finalement, quand elle est au fond des autres matières, me dire des injures en grec, et m'accuser d'hyperbole, et de cacozèle ? Elle veut qu'en deux vers il y ait pour le moins quatre pointes. Elle a dessein de remettre sur pied les strophes et les antistrophes. Elle règle la poésie épique et la dramatique. Elle dit qu'elle n'a point assez de patience pour souffrir une comédie qui n'est pas dans la loi des vingt-quatre heures et qu'elle suppliera très humblement Monsieur le Cardinal de faire publier cette loi par toute la France.
(éd. de 1663, p. 63-64) (voir également "leur savoir à la France")

(2)

C'est à mon gré une belle chose que ce sénat féminin qui s'assemble tous les mercredis chez Madame***. Mais Caton dirait que c'est une maladie de la république, à laquelle il est besoin de remédier, et en pareille occasion, les premiers Romains eussent envoyé l'oracle de Delphes, pour savoir ce qu'eût signifié un si grand prodige. Si la présidente de l'assemblée a fait, comme on m'a mandé, un certain roman qui se nomme***, elle n'a guère moins fait que d'avoir couru les champs, et il ne lui reste rien à faire que d'épouser en secondes noces l'Empereur des Petites-Maisons. Il y a longtemps que je me suis déclaré contre cette pédanterie de l'autre sexe, et que j'ai dit que je souffrirais plus volontiers une femme qui a de la barbe, qu'une femme qui fait la savante [...] Tout de bon, si j'étais modérateur de la police, j'envoierais filer toutes les femmes qui veulent faire des livres ; qui se travestissent par l'esprit ; qui ont rompu leur rang dans le monde. Il y en a qui jugent aussi hardiment de nos vers et de notre prose que de leurs points de Gênes et de leurs dentelles : elles seraient bien fâchées d'avoir dit un poème héroïque ; elles disent toujours un poème épique. On ne parle jamais du Cid qu'elles ne parlent de l'unité du sujet et de la règle des vingt-quatre heures. 0 sage Arthénice ! que votre bon sens et que votre modestie valent bien mieux que tous les arguments et que toutes les figures qui se débitent chez Madame la***; Je suis, Monsieur, votre, etc. »
(Lettres familières de M. de Balzac à M. Chapelain, 1661, p. 138)

(3)

Toute affectation m'est insupportable,et en une femme il me semble qu'il n'y a rien de si dégoûtant que de s'ériger en écrivaine et entretenir pour cela seulement commerce avec les beaux esprits.
(1638 ; source : J.-E. Fidao-Justiniani, L'Esprit classique et la préciosité au XVIIe siècle, Paris, 1914, p. 47)

(4)

Comme il n’y a rien de plus aimable, ni de plus charmant qu’une femme qui s’est donné la peine d’orner son esprit de mille agréables connaissances quand elle en sait bien user, il n’y a rien aussi de si ridicule, ni de si ennuyeux qu’une femme sottement savante.
(p. 6924)

(5)

Les savantes sont en si mauvaise odeur que ce serait un supplice pour un honnête homme que de lui en donner une pour femme. – Vous confondez les véritables savantes, dit Sophie, avec les précieuses, que je hais tellement moi-même, quoique je sois de leur sexe, que je ne m’étonne pas qu’elles soient insupportables aux hommes. – Il y a si peu à dire, répliqua Timandre, du caractère de savante à celui de précieuse, que l’on passe insensiblement de l’un à l’autre. Je connais plusieurs dames, lesquelles ont le premier, mais je n’en sais pas une qui ait aussi le second. Il est vrai qu’elles ont toutes de l’esprit et même du goût pour les belles choses ; mais cet esprit est tourné si précieusement, pour ainsi dire, ce goût si incommode par leurs façons que vous en seriez rebutée. Elles sont aussi fières que si elles étaient des déesses, et d’une autre espèce que leurs semblables. […] Celles qui ont un mari, ou ne le comptent pour rien, ou ne le considèrent que comme leur premier domestique ; et celles qui n’en ont point parlent des hommes comme s’il n’y en avait pas un qui méritât de demeurer avec elles. On n’a point d’esprit selon elles, lorsqu’on ne reçoit pas avec des marques d’adoration leurs maximes, qu’elles proposent d’un ton d’oracle. Leurs gestes sont affectés, leurs termes recherchés. Elles s’écoutent parler avec admiration et elles écoutent les autres avec indifférence. Comme si on devait un tribut de respect à chaque mot qu’elles prononcent, elles regardent si on ne les admire pas.
(p. 7-9)

(6)

HORTENSE
Je ne sais, sinon que le latin sied très mal aux femmes ; du moins c'est le sentiment du vulgaire qu'une femme savante est doublement folle.
(p. 28)

(7)

L'esprit est toujours de bon commerce, dit le Chevalier, et même les femmes à mon sens n'en sauraient trop avoir; mais la plupart du monde n'approuve pas qu'elles soient si savantes, ou du moins que cela paraisse.
(éd. des Oeuvres de 1692, p. 187-188)

(8)

Peut-être que la beauté du corps de ta femme ne te plaît pas tant que celle de son esprit. Mais en conscience , crois-tu que ta condition soit avantageuse pour avoir une coquette dans ta maison ? Elle voudra parler lorsqu'il sera question d'agir. Quand tu lui commanderas quelque chose, elle disputera contre toi et trouvera moyen d'excuser tous les effets de sa désobéissance domestique en parlant plusieurs langues étrangères. Ne sais- tu pas que le poète défend à un honnête homme de prendre une femme savante. Il aime mieux qu'elle s'entende à bien faire qu'à bien discourir. Il n'ignore pas que celles qui veulent tant raisonner commettent beaucoup d'actions contre la raison. D'autres qui font état de savoir toutes les histoires, font trop parler de leur vie. Elles seraient plus estimées, fi elles étaient moins habiles. La curiosité qui perdit Eve ne sauvera pas ses filles. Enfin persuade-toi qu'au lieu de prendre une femme tu as pris une maîtresse. Tu ne feras pas feulement censuré en tes actions , mais encore en tes discours. Tu n'oserais prononcer un mot barbare devant ce beau génie de politesse. Tu ne diras rien qui ne passe pour fort commun, si tu ne dis toujours des choses extraordinaires. Il te faudra plus étudier pour contenter une faible tête, que pour produire ta suffisance en des occasions d'honneur. Un mari a tout pouvoir et néanmoins il ne t'est pas permis de faire de petites fautes, pource que tu crois que ta femme a de grandes perfections. Les moindres défauts des autres sont de grands péchés pour toi. Je ne te dirai point maintenant qu'il n'y a rien de si fâcheux à ouïr qu'une caqueteuse qui se pique d'éloquence. Elle est d'autant plus désagréable qu'elle fait état d'être plus charmante. Elle nous tue en pensant nous ravir hors de nous-mêmes. Outre que toutes les femmes bien disantes sont d'ordinaire sujettes à la médisance. Elles croient avoir droit de parler désavantageusement de qui que ce soit, pource qu'elles parlent de bonne grâce. Elles sont encore d'autant plus opiniâtres qu'elles trouvent mille raisons pour autoriser les bizarreries de leur caprice. En un mot il faut qu'un mari soit sourd pour demeurer avec une femme qui ne se tait jamais, pource qu'elle croit savoir l'art de bien parler. Il vaudrait bien mieux avoir épousé une muette qui fût sage que l'éloquence même avec la folie.
(éd. de 1667, p. 25)




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