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Le souverain bonheur


"C'est un étrange fait qu'avec tant de lumières,
Vous vous effarouchiez toujours sur ces matières,
Qu'en cela vous mettiez le souverain bonheur,
Et ne conceviez point au monde d'autre honneur;
Être avare, brutal, fourbe, méchant, et lâche,
N'est rien à votre avis auprès de cette tache,
Et de quelque façon qu'on puisse avoir vécu,
On est homme d'honneur quand on n'est point cocu"
L'Ecole des femmes, IV, 8 (v. 1236-1237)

Dans son "petit traité" "De l'humilité et de l'orgueil" (Opuscules ou Petits Traités, 1644), La Mothe le Vayer mettait en cause le prestige de l'honneur en usant de termes voisins ou semblables à ceux de Chrysalde :

Je demanderais volontiers à beaucoup de personnes qui travaillent incessamment pour la renommée et qui deviennent si glorieux dès lors qu'ils croient avoir acquis quelque réputation qu'on ne les peut souffrir, s'ils ont bien reconnu ce pourquoi ils se donnent tant de peine et où ils constituent leur souverain bonheur.
(Oeuvres, éd. de 1756, II, 2, p. 184).

L'argument selon lequel les "accidents" de la vie ne mettent pas en cause les fondements moraux de la condition humaine avait été développé dans les Pensées de Marc-Aurèle, dont une traduction française avait paru en 1659 à Amsterdam (Pensées morales de Marc Antonin) :

Je suis malheureux, dira quelqu'un, que cela me soit arrivé. [...] Pourquoi sera-ce donc une infortune plutôt qu'un bonheur ? Appelez-vous malheur en l'homme, ce qui n'endommage point la nature de l'homme ? Vous semble-t-il que ce qui est de l'intention et du dessein de la nature de l'homme puisse nuire et gâter cette même nature ? Ne savez-vous pas ce qu'on vous a enseigné de l'intention de la nature de l'homme ? Cet accident peut-il faire que vous ne soyez point juste, courageux, sage, tempérant, circonspect, exempt de faillir, honnête, libre ? Ou bien a-t-il pu vous ôter quelqu'une des choses qui sont propres à la nature ?
(p. 64)




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