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Le retranchement de ces syllabes sales


"Mais le plus beau projet de notre académie,[...]
C'est le retranchement de ces syllabes sales,
Qui dans les plus beaux mots produisent des scandales"
Les Femmes savantes, III, 2 (v. 909-914)

De même que les aspirations à "du latin plus honnête" et que la propension à donner un sens criminel aux plus innocentes paroles, l'épuration du français par la suppression des "syllabes déshonnêtes" fait partie des travers attribués traditionnellement aux précieuses.

Ainsi dans La Précieuse (1656-1658) de l'abbé de Pure (1).

De tels excès sont dénoncés dans le Doute sceptique si l'étude des belles-lettres est préférable à toute autre occupation (1667) de La Mothe le Vayer (2).

Ils constituent un sujet de plaisanterie traditionelle qu'on retrouve, par exemple, dans le Rôle de la présentation au grand jour de l'éloquence (1634) (3)


(1)

Avec tout cela le monde nous a de l'obligation. Ce n'est pas un petit bien, poursuivit-elle, de bannir de la société l'impureté des mots aussi bien que des choses, de réduire les conversations à ce point de spiritualité où vous les voyez.
(t. I, p. 380)

(2)

Il se trouve des écrivains si scrupuleux, pour ne pas dire si ridicules, qu'ils s'abstiennent de tous les mots, quoique expressifs et nécessaires, quand ils font la moindre allusion à d'autres qui offensent leurs délicates oreilles. Le sabbat des sorciers ne leur permettra jamais de dire qu'un cheval s'abat, ni en latin cum nos en deux syllabes, à cause que dans la prononciation il semble qu'il n'en fasse qu'une ou selon eux que l'on prononce cunnos.
(éd. de 1756, V, 2, p. 405)

(3)

S'est présentée la dame marquise de M., requérant que, pour éviter les occasions de mal penser que donnent souvent les paroles ambiguës, le mot de conception ne soit tenu pour français qu'une fois l'an, et ce seulement à cause de l'épithète immaculée et que, pour le surplus de l'année,à icelui mot de conception soit subroger celui de penser. Monsieur le président a demandé à ladite dame en quel nom elle procédait, et elle a répondu qu'elle requérait seulement de son chef ce qu'elle croyait importer à la pureté de la langue française.
(Fournier, t.I, p. 129) (source : Brunot, Histoire de la langue française, III, 1, p. 153)




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