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Le ragoût d'un galant


"Et pour rassasier votre appétit gourmand,
Il faut à son mari le ragoût d'un galant ?"
Le Cocu imaginaire, sc. VI (v. 171-172)

Le terme "ragoût" est utilisé dans la littérature comique pour désigner l'appétit sexuel féminin. D'Ouville y consacre, par exemple, une historiette de son Elite des contes (1644) (1).

Le filon est exploité par La Mothe le Vayer dans son dialogue "Du mariage" (Dialogues faits à l'imitation des Anciens, 1630), au sein duquel la métaphore de la faim est utilisée à de continuelles reprises (2).

La troisième partie de La Précieuse (1656-1658) de l'abbé de Pure se sert également de l'image, en un chapitre intitulé "Des ragoûts pour les dégoûtés du mariage" (p. 63 et suivantes) (3).


(1)

Le ragoût des dames
Une marquise de la Place Royale donnait un cadeau aux dames de son quartier, où les maris et les galants n'étaient point reçus et, chacune discourant librement de son appétit, se demandaient les unes aux autres quels ragoûts leurs semblaient les meilleurs; et, après que les plus éminents de la troupe eurent dit leur avis, il en parut une éveillée à un coin de la table qui, plus libre que toutes les autres, leur dit qu'après avoir écouté leur entretien sur les ragoûts qui pouvaient avoir donné satisfaction à leur appétit, que pour elle son ragoût le plus excellent était un morceau de boudin blanc. Ce que quelques-unes de la compagnie ayant expliqué d'un sens risible, elles en devisèrent entre elles sur l'intention de celle qui avait dit si ingénument sa pensée sans plus grande explication.
(éd. G. Brunet, 1883, t. II, p. 57)

(2)

Les jeux d'un amant ne sont jamais assez libres ni assez impudiques à leur gré, ceux d'un mari les importunent et ne sont que vilains. Elles ne trouvent jamais de quoi assouvir leur faim auprès des premiers, ici le coeur leur grossit contre la viande
(Francfort, Jean Savius, 1716, t. II, p. 422).

Je sais bien qu'il y en a d'entres ces femmes, qui fondent leurs excuses sur les mauvaises provisions de la maison, lesquelles les obligent de chercher de quoi passer la faim au dehors.
(p. 440).

Ces femmes-ci cherchent leur appétit dans le changement des viandes.
(p. 441).

Il y en a d'autres qui sont dans une perpétuelle boulimie d'amour, le cancer qu'elles portent au-dessous du buste ne se pouvant rassasier de viande.
(p. 443).

(3)

Pour guérir l'amour quand elle est malade, ou bien par précaution quand elle est au hasard de le devenir, il n'est rien de si utile ni de si effectif que le changement. Un peu de ragoût redonne l'appétit, un peu de changement réveille la nature assoupie, et rétablit la vigueur de l'estomac.
(éd. E. Magne, Paris, Droz, 1938, t. II, p. 88).

Comme nous voyons que nous sommes rebutés des viandes communes, si on ne les déguise par des ragoûts, de même aussi le mariage tout cru, et sans autre assaisonnement a des duretés et des circonstances si rudes qu'il n'est point d'honnête homme, ni d'honnête femme qui s' y voulût hasarder.
(p. 89)




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