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Le pauvre homme


"[...] Tartuffe? Il se porte à merveille,
Gros, et gras, le teint frais, et la bouche vermeille.
– Le pauvre homme!
[...]–Il soupa, lui tout seul, devant elle,
Et fort dévotement il mangea deux perdrix,
Avec une moitié de gigot en hachis.
– Le pauvre homme!
[...] Pressé d'un sommeil agréable,
Il passa dans sa chambre, au sortir de la table;
Et dans son lit bien chaud, il se mit tout soudain,
Où sans trouble il dormit jusques au lendemain.
– Le pauvre homme!
[...] Il reprit courage comme il faut ;
Et contre tous les maux fortifiant son âme,
Pour réparer le sang qu'avait perdu Madame,
But à son déjeuner, quatre grands coups de vin.
– Le pauvre homme !"
Le Tartuffe, I, 4 (v. 238-240)

L'épithète "pauvre" avait été utilisée en d'innombrables occurrences dans la Vie de saint Vicent de Paul de Louis Abelly, parue en 1664 (1) (voir également "aux prisonniers").

Le bon mot devient célèbre à la suite de Molière. Il est repris


(1)

Accompagnant un jour un ecclésiastique à la porte de Saint-Lazare, une pauvre femme se mit à crier, lui disant : « Monseigneur, donnez-moi l'aumône. » A quoi M. Vincent lui répondit : « O ma pauvre femme! vous me connaissez bien mal, car je ne suis qu'un porcher, et le fils d'un pauvre villageois.
(éd. de 1854, p. 344)

Voici ce qu'il écrivit en l'année 1633 à l'un de ses prêtres: « O Monsieur, que nous sommes heureux que nous honorons la parenté pauvre de Notre-Seigneur, par la nôtre pauvre et chétive ! Je disais avec consolation ces jours passés, en prêchant en une communauté, que je suis le fils d'un pauvre laboureur, et en une autre compagnie, que j'ai gardé les pourceaux"
(p. 423)

Une pauvre femme ayant fait demander l'aumône à M. Vincent, il lui envoya un demi-écu ; mais,elle, lui ayant mandé que cela était peu eu égard à sa pauvreté, il lui envoya aussitôt encore un autre demi-écu; et on lui a vu souvent faire des choses semblables.
Un pauvre charretier ayant perdu ses chevaux, eut recours à M. Vincent, pour le prier d'avoir pitié de lui, et lui faire quelque charité pour lui aider à réparer cette perte ; et aussitôt ce charitable aumônier lui fit donner cent livres.
(p. 280)

Quel sujet d'affliction n'aura pas un pauvre frère de la compagnie, qui voit maintenant tant de gens du monde venir de toutes parts se retirer un peu parmi nous pour changer de vie, et qui pour lors verra ce grand bien négligé ! il verra qu'on ne recevra plus personne, enfin il ne verra plus ce qu'il a vu : car nous en pourrons venir là, Messieurs, non pas peut-être sitôt, mais à la longue. Quelle en sera la cause? Si on dit à un pauvre missionnaire relâché : "Monsieur, vous plait-il de conduire cet exercitant en sa retraite?" cette prière lui sera une géhenne.
(p. 487)

Je ne suis pas un homme, mais un pauvre ver qui rampe sur la terre, et qui ne sait où il va, mais qui cherche seulement à se cacher en vous, o mon Dieu, qui êtes tout mon désir. Je suis un pauvre aveugle qui ne saurait avancer un pas dans le bien, si vous ne me tendez la main de votre miséricorde pour me conduire.
(p. 337)

etc.

(2)

En une petite ville de quelque province de France, un homme de la Cour alla voir un capucin. Les principaux le vinrent entretenir ; ils lui demandèrent des nouvelles du roi, puis du cardinal de Richelieu. « Et « après, «dit le gardien, ne nous apprendrez-vous rien de notre bon père Joseph ? - I1 se porte fort bien ; il est « exempt de toutes sortes d'austérités. Le pauvre homme!» disait le gardien. — « Il a du crédit; les plus grands it de la Cour le visitent avec soin. — Le pauvre homme ! - Il a une bonne litière quand on voyage. — Le pauvre homme! — Un mulet porte son lit. — Le pauvre « homme ! — Lorsqu'il y a quelque chose de bon à la « table de Monsieur le Cardinal, il lui en envoie. — « Le pauvre homme ! Ainsi à chaque article le bon gardien disait : « Le pauvre homme! » comme si ce pauvre homme eût été à plaindre. C'est de ce conte-là que Molière a pris ce qu'il a mis dans son Tartuffe, où le mari, coiffé du bigot, repète plusieurs fois : "le pauvre homme".
(éd. A. Adam, REF)

(3)

Vous savez qu'on a donné à M. de Condom 1 l'abbaye de Rebais qu'avait l'abbé de Foix : le pauvre homme !
(lettre du 22 juillet 1671)

Il a fallu aller dîner chez M. d'Autun, le pauvre homme !
(lettre du 3 septembre 1677)




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