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Le fondement de toutes les sciences,/La grammaire


"Quoi, toujours, malgré nos remontrances,
Heurter le fondement de toutes les sciences,
La grammaire, qui sait régenter jusqu'aux rois"
Les Femmes savantes, II, 6 (v. 463-465)

Le mépris du grammairien désireux de régenter la langue ou de dénoncer une barbare, pernicieuse et détestable orthographe est exprimé par


(1)
Il remarque aussi l'impertinence d'un de cette profession, qui trouvait du solécisme dans une façon de parler la plus élégante du monde, et in sententia optima accusabat id quod erat optimum. Tant il est constant, qu'il n'y a point de siècle, où il ne se rencontre toujours d'importuns censeurs, qui sur le prétexte de quelque règle de grammaire, mal établie, pensent acquérir de la réputation en reprenant ce qu'ils n'entendent point, pour être souvent au-dessus de leur portée. (Derniers petits traités ,1660, in Oeuvres, VII, 2, p. 130)

(2)

Mais, après tout, n'êtes-vous pas, Ménalque, l'homme de ce temps qui forme les plus rudes invectives contre ces éplucheurs de paroles et même de syllabes, contre ce servum pecus grammaticorum ? Pour moi, je renvoie tous ces prétendus puristes à l'ancien proverbe purus grammaticus, purus asinus.
(p. 104)

(3)

Le plus important précepte de la science est de savoir qu'il y a des choses qui ne méritent pas d'êtres sues ; ce que Quintilien a dit particulièrement de quelques notions grammaticales.
(p. 12)

(4)

Cependant c'est si peu de chose qu'un pur grammairien, que, pour bien parler, il ne faut pas discourir trop grammaticalement, d'où vient la maxime de Quintilien, aliud Grammatice, aliud Latine loqui. Et de fait on reconnaît tous les jours, et à toute heure, la vérité de cet ancien proverbe, purus grammaticus, purus asinus. La plupart des grammairiens ressemblent à ces monnaies rognées, qui n'ont point de lettres, et ils sont selon l'allusion que fait sur eux Sextus l'Empirique, grammatici, agrammati, seu illiterati. Nous voyons des puristes (puisqu'on leur a imposé ce nom) si destitués de bonnes pensées, que le langage de nos bisaïeuls, comme ils l'assaisonnaient, serait plus à estimer que le leur.
(V, 2, p. 359-360)

(5)

Qu'un misérable grammairien, qui n'a d'empire que sur les syllabes, prononce hardiment sur les ouvrages de tant de grands hommes que nous admirons comme des prodiges, c'est à mon sens ce qui ne peut être souffert. Il est vrai que ce n'est pas d'aujourd'hui que les grammairiens sont insolents, ces insectes se mêlent partout, et sous prétexte des mots qui sont de leur juridiction, ils se constituent juges de tous nos livres, et condamnent nos raisonnements et nos pensées. On sait l'arrogance de ce Palémon, qui osa bien se vanter que les lettres étaient nées avec lui et qu'elles mourraient avec lui ; son siècle n'eut point de savant qu'il ne méprisât, et pendant que tout le monde regardait Varron comme le plus poli de tous les Romains, ce barbare le traitait de porc. Cette audace, continua-t-il, ne devrait pas demeurer impunie, peut-être même serait-il à propos de nous défaire de toute cette cabale factieuse : car enfin il y a longtemps que nous ne faisons plus de solécisme, et nous n'avons pas besoin de leurs règles pour bien parler. Je vois ici un Didyme qui nous écrasera quelque jour avec sa grammaire en six mille livres, et si une fois la guerre des gérondifs et des participes se rallume entre eux, toute l'éloquence de Démosthène et de Cicéron ne sera pas capable de les apaiser.
(p. 16-18)




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