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Le directeur prudent


"C'est de tous ses secrets l'unique confident
Et de ses actions le directeur prudent."
Le Tartuffe, I, 2 (v. 187-188)

Un passage de L’Echelle sainte ou les degrés pour monter au Ciel de Jean Climaque, dont la traduction française est éditée douze fois au cours du XVIIe siècle, énonce les principes de l'obéissance que l'on doit à son directeur :

6. Lorsque nous voulons baisser la tête sous le joug de Jésus-Christ, et confier à un autre la conduite de notre âme par un désir d’acquérir l’humilité, et d’entrer dans la véritable voie su salut, si nous avons quelque adresse et quelque prudence, nous devons, avant que d’entrer dans cette voie, examiner avec soin les qualités de celui que nous voulons choisir pour nous gouverner et nous conduire : Et si je l’ose dire, nous devons le tenter en toutes manières ; de peur que tombant entre les mains d’un matelot au lieu d’un pilote, d’un malade au lieu d’un médecin, d’un homme sujet à ses passions, au lieu d’un homme qui en est parfaitement victorieux, et que rencontrant une mer agitée au lieu d’un port assuré, nous ne trouvions un naufrage inévitable. Mais après que nous serons entrés dans la carrière de la piété et de l’obéissance, n’entreprenons plus de juger en quoi que ce soit des actions du vertueux directeur que nous aurons pris, quand même il pourrait arriver que nous reconnussions encore en lui quelques légères fautes comme étant homme. Car nous ne retirerons aucun fruit de notre obéissance si nous voulons toujours nous rendre ainsi juge de ses actions.
7. Il est absolument nécessaire à ceux qui veulent conserver une entière et inébranlable confiance en leurs directeurs, de graver si profondément dans leur cœur les bonnes actions qu’ils leur voient faire, que rien ne les puisse jamais effacer de leur esprit et de leur mémoire ; afin que lorsque les démons nous inspirent de la défiance d’eux, nous leur fermions la bouche par cette image des vertus de ces serviteurs de Dieu, que notre souvenir nous représente. Car autant que la confiance fleurit et multiplie dans le cœur, autant le corps se porte avec promptitude et activité dans ses exercices. Mais s’il heurte contre la défiance, il tombera ; puisque tout ce qui n’a point la foi pour fondement est péché. Que s’il vous vient quelque pensée de juger ou de condamner votre directeur en quelque rencontre, rejetez-la comme une pensée de fornication, et ne donnez jamais ni aucune liberté, ni aucune place, ni aucune entrée, ni aucune ouverture à ce serpent : mais dites hautement à ce dragon ; Ce n’est pas moi, trompeur, qui ai reçu l’autorité de juger des actions de mon père spirituel ; mais c’est lui qui a reçu celle de juger des miennes : ce n’est pas moi qui suis établi son juge, mais c’est lui qui est le mien.
(L’Echelle sainte ou les degrés pour monter au Ciel, composés par S. Jean Climaque, abbé du monastère du Mont Sinaï, et Père de l’Eglise grecque. Traduit du Grec en Français par Mr Arnauld d’Andilly, Paris [1652], IVe Degré, « De l’obéissance », éd. de 1658, p. 43-44)

[conseil que Jean Sabaite donne à un jeune solitaire] :
Allez donc, et ne souffrez pas si vous pouvez qu’entre tous les hommes il y en ai un plus sévère ni plus rude que celui que vous choisirez pour maître en notre Seigneur, et ne vous séparant jamais de lui, avalez chaque jour comme du lait et du miel, le breuvage des humiliations et des mépris. Alors ce frère dit à ce grand homme : Mais, mon père, si ce solitaire vit dans la négligence, que ferai-je ? A quoi ce saint vieillard répliqua : Quand vous le verriez commettre une infidélité contre la loi de Dieu, ne le quittez pas : mais dites en vous-même : Mon ami, qu’êtes-vous venu chercher en ce lieu ? Et alors vous senitrez l’enflure de la vanité s’abaisser en vous, et le feu de la concupiscence se refroidir et s’éteindre. »
(Ibid., p. 99-100)




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