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Le courroux de Monsieur Purgon


"Et ce qu'il dit, que fait-il à la chose? Est-ce un oracle qui a parlé? Il semble à vous entendre, que Monsieur Purgon tienne dans ses mains le filet de vos jours, et que d'autorité suprême il vous l'allonge, et vous le raccourcisse comme il lui plaît. Songez que les principes de votre vie sont en vous-même, et que le courroux de Monsieur Purgon est aussi peu capable de vous faire mourir, que ses remèdes de vous faire vivre."
Le Malade imaginaire, III, 3

Au livre I du De natura rerum de Lucrèce sont dénoncés les propos menaçants des devins, qui peuvent bouleverser les principes de la vie par les craintes qu'ils engendrent :

Tutemet a nobis iam quovis tempore vatum
terriloquis victus dictis desciscere quaeres.
quippe etenim quam multa tibi iam fingere possunt
somnia, quae vitae rationes vertere possint
fortunasque tuas omnis turbare timore!
et merito; nam si certam finem esse viderent
aerumnarum homines, aliqua ratione valerent
religionibus atque minis obsistere vatum.
nunc ratio nulla est restandi, nulla facultas,
aeternas quoniam poenas in morte timendum.
(v. 102-110)

Vous même qui avez été vaincus de tout temps par les tragiques discours des poètes, lesquels donnent de l'effroi, vous cherchez à vous défaire de notre opinion, sur ce que je puis bien aussi vous feindre comme eux des songes qui soient capables de changer le raisonnable état de votre vie, et de troubler par la crainte toutes les douceurs de votre fortune: et certes à bon droit: car si les hommes voyaient la fin assurée de leurs misères, ils seraient en quelque façon capables de résister aux fantaisies de la religion, et aux menaces des poètes. A cette heure toutefois, il n'y a plus de moyen de résister, il n'y a plus de raison, parce qu'il faut appréhender les peines éternelles dans la mort.
(Traduction de M. Marolles, Paris, G. de Luyne, 1659.)




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