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Le Jeu du Piquet, plaisant et récréatif


An., Le Jeu du piquet plaisant et récréatif, Paris, J. Promé, 1642


LE JEU DU PIQUET PLAISANT ET RECREATIF

LE LIBRAIRE AUX LECTEURS.

M’étant tombé depuis peu entre les mains un petit discours sur le Jeu du Piquet ; et l’ayant examiné, j’ai cru qu’il pouvait paraître au jour, comme étant approuvé de tout le monde ; et spécialement d’une infinité de gens d’honneur qui l’exercent. Ce divertissement est si doux qu’il fait couler le temps insensiblement, console les goutteux, réjouit les mélancoliques, et donne relâche aux passions des amoureux. Ces considération sont assez fortes pour obliger un chacun d’aimer ce Jeu : mais ce petit Traité vous y doit convier davantage, puis qu’il en donne une entière connaissance, et lève toutes les difficultés qui s’y pourraient rencontrer. Observant donc les règles et maximes qui y sont décrites, vous éviterez les querelles qui arrivent souvent faute d’en être bien informé ; et entretiendrez la société qui est l’union de toutes choses. Achetez fort de ce petit livre, vous vous en trouverez bien et moi aussi, qui suis

Votre très humble, et très affectionné serviteur, J. Promé.

LE JEU DU PIQUET, Plaisant et récréatif.

Premièrement, il faut ôter d’un jeu de cartes tous les deux, trois, quatre, cinq, et jouer du reste qui se monte à trente-six.

Après l’on convient ce que l’on veut jouer, en combien, ou en quel nombre, qui est ordinairement : mais cela est au choix des joueurs de dire tant et si peu qu’il leur plaira ; et celui qui premier arrive audit nombre, geigne ce qui a été convenu et accordé. Voulant jouer, l’on regarde à qui donnera les cartes : car c’est un grand désavantage pour celui qui les donne, et pour ce faire chacun prend des cartes tant et si peu qu’il lui plaît, pourvu qu’il y en ait plus d’une car elle ne se peut couper, puis qu’elle se peut reconnaître en les renversant. Celui qui montre la carte de moindre valeur, c’est à lui de donner les cartes : Et si par hasard (comme il arrive souvent par la haste que l’on a en retournant) il en échappait quelque une qui tombât sur le tapis, l’on n’y doit avoir, ainsi à celle qui demeure en la main avec les autres cartes que l’on a coupé. Les cartes valent les points qu’elles portent, réservé l’As, qui vaut onze, tellement qu’il emporte le Roi, le Roi, la Dame, et la Dame le Valet, et le Valet le dix, et ainsi en descendant jusques au six, qui est la moindre.

Lors celui qui a coupé la moindre carte mêle les trente-six, et les présente à l’autre qui en fait deux parts, pourvu que ce soit fort nettement : car qui couperait en éparpillant les cartes, cela ne vaut rien , et faut remêler [sic] et donner à couper pour en faire deux parts ; lesquelles étant rassemblées par celui qui les a présentées, il les distribue par tel nombre qu’il lui plaît, pourvu qu’il ne soit plus haut que quatre, et moins que deux, et continue par le nombre qu’il a commencé, jusqu’à ce que chacun en ait douze, et les douze qui restent, il les pose sur le tapis, vis à vis de celui contre qui il joue et de lui : lors chacun ayant regardé ses cartes, si le premier trouve n’avoir aucune figure parmi icelles, il dit à l’autre, j’ai blanche, c’est pourquoi je veux écarter un tel nombre de mes cartes : et afin que je vous monstre ma blanche, vous écartez premièrement des vôtres tel nombre qu’il vous plaira ; ce qu’étant fait, le premier lui montre toutes ses douze cartes blanches, que l’autre peut voir à son loisir, c’est à savoir qu’il n’y en ait de renversées, ou cachées par malice : lors celui qui a la blanche compte des points pour icelle, et les rassemblant il écarte celle qu’il juge à propos ; mais il est obligé au nombre qu’il a dit premièrement. Cela fait, il prend des douze cartes restées pareil nombre qu’il a écarté, et s’il se trouve que l’autre ait carte blanche comme le premier, bien qu’elle soit de plus haut point elle demeure pour coupance [sic], et empêche le pic et repic du premier.

Et notez que celui qui est le premier a un grand avantage, d’autant qu’il peut prendre les douze cartes restées, jusqu’à huit, et non davantage, en ayant écarté autant des siennes premièrement : et est à son choix selon la disposition de son jeu d’en prendre moins, savoir 1. 2. 3. 4. 5. 6. et 7. en ayant (comme dit est) premièrement écarté pareil nombre des siennes : et s’il en prend moins que huit, il peut voir le reste des huit, les remettant après les avoir vues sur le reste, en même ordre comme il les a trouvées, et l’autre peut par après prendre le reste, ou si peu qu’il voudra, écartant aussi pareillement pareil nombre des siennes, et s’il ne prend tout, le premier les pourra voir après que l’autre les aura vues, disant auparavant que les voir, de quelle peinture il désire jouer, ce qui l’oblige à faire ce qu’il dit.

Et si d’aventure par inadvertance ou par malice, il disait, je jetterai d’une telle peinture, et il se trouvera que l’ayant écartée, ou autrement, il n’en eut point du tout, alors il est obligé de jeter de celle qu’il lui plaira à l’autre lui ordonner : et remarquez que tant le premier que le dernier, est toujours contraint au moins d’écarter une carte, quelque beau jeu qu’il ait pour en prendre.

Après que les cartes sont données, et que l’on a écarté et pris chacun ce qu’il lui faut : le premier compte tout haut, ou dit à l’autre le nombre des points qu’il a d’une peinture en plus grande quantité, et autant de dizaines qu’il en a, si l’autre n’en a autant ou plus, il compte autant de points : comme trente-cinq valent trois, et quarante valent quatre, et ainsi, en montant ; et notez que trente-cinq valent autant que quarante et quarante-cinq, et autant que cinquante ainsi en suivant : mais trente-six, trente-sept, trente-huit et trente-neuf, ne valent pas plus que trente-cinq ; comme aussi trente et un, trente-deux, trente-trois, et trente-quatre, ne valent pas plus que trente, et ainsi de tous les autres nombres qui se peuvent rencontrer en montant.

Après que l’on est d’accord de ce point (qui s’appelle la ronfle) le premier compte, et dit à l’autre les fréquences, s’il y en a, qui sont appelées tierces, quartes, quintes, sixièmes, septièmes, huitièmes, et neuvièmes, selon la quantité de cartes qui se suivent d’une même peinture ou façon, qui sont pour les tierces, commençant par les plus basses, et allant toujours en montant 6. 7. 8. 9. 10. Valet, Dame, Roi, et As, qui est la plus haute.

Les quartes sont quartes quand il y en a quatre de suite : les quintes quand il y en a cinq : les sixièmes six : les septièmes sept : les huitièmes huit : les neuvièmes neuf, et ainsi des autres qui sont devant, qui fait qu’on les appelle des tierces, quartes, quintes, sixièmes septièmes, huitièmes et neuvièmes, major de Roi, de Dame, de Valet, de dix, de neuf, et de huit, qui est la moindre, et selon le nom de la carte la plus haute par où elle finit : comme Dame, Roi, et As, c’est une tierce major, et de Roi, si l’As n’y est, et de Dame, si le Roi et l’As n’y sont, et ainsi descendant.

Chacune tierce vaut trois points, les quartes quatre, les quintes quinze, les sixièmes seize, les septièmes dix-sept, les huitièmes 18. et les neuvièmes 19. lesquels points s’assemblent avec la blanche (s’il y a une) et la ronfle.

Or il est à noter, que celui qui a la plus haute tierce, quarte, quinte, ou autres qui suivent de plus haute valeur, encore qu’il n’en eût qu’une, emporte toutes les autres moindres devant son compagnon, en telle quantité qu’elle puissent être, qui pour cet effet demeureront nulles à celui qui les aura, et l’autre pourra en faveur d’une tierce major, en compter plusieurs moindres que celles qu’aura son compagnon ; et tout de même d’une autre séquence plus haute : comme pour exemple. L’un a une tierce major, une tierce de Dame, de Valet, ou moindre et l’autre a une tierce de Roi : or d’autant que par les tierces major de l’un, la tierce de Roi de l’autre demeurera nulle, celui qui a la tierce major peut compter les autres tierces plus basses.

Plus, la quarte annule la tierce, et la quinte la quarte, et ainsi suivant : tellement que quiconque à une sixième, peut compter tierce, quarte et quinte, s’il les a encore que l’autre ait tierce, quarte et quinte de plus haute valeur de celui qui a la sixième, et ainsi faut faire de toutes choses semblables.

Après les séquences on compte trois As, trois Rois, trois Dames, trois Valets, et trois dix, si l’on les a : lesquels trois de point, et vont de même que les séquences savoir les As sont les plus haut, puis les Rois, puis le Dames, après les Valets, et finalement les dix : car pour les neuf, huit, sept, six, l’on ne les compte en séquence. Et peut-en en avoir des trois As, et compter trois Dames, trois Valets si l’on les a, encore que l’autre eût trois Rois : bref s’y gouverner, comme pour les tierces, quartes et quintes, et autres semblables ; si l’on a quatre As, quatre Rois, quatre Dames, quatre Valets, ou quatre dix, ils valent alors quatorze points, qui sont préférables les uns aux autres, comme est dit.

Or tout cela étant fait, et chacun ayant compté et assemblé tous les points qu’il a, tant de la blanche, ronfle, séquence, que As, Rois, Dames, Valets et dix, le premier commence à jeter les cartes une à une, jusqu’au dix, et du dix en bas ne peut rien compter ; lesquelles cartes se lèvent par celui qui jette les plus hautes sur les moindres de la même peinture et façon toutefois : car qui jetterait un six, ou autre carte d’une peinture, et que l’autre n’ayant point de ladite peinture jetât un As, un Roi, une Dame, ou autre carte, il ne pourrait emporter ledit six, ni compter aucun point pour icelui : car ce n’est que celui qui lève, ou qui commence à jeter, qui peut compter, la et carte jouée ne se peut relever n’en ayant point, (comme dit est) mais s’il se trouve qu’il y en ait, il la peut relever et en fournir, sans qu’on puisse imputer faute à celui qui a fourni.

Comme l’un jette un As, Roi, Dame, Valet, ou dix, en jetant il compte un, et l’autre jetant une carte sur icelle [sic] de plus haute valeur et de la même peinture, il l’emportera et comptera aussi un point comme l’autre quand il a jeté : et puis peinture il lui plaira, et continuer tant que l’autre puisse lever ; et ainsi ils poursuivront l’un et l’autre tant qu’ils auront des cartes en main, lesquelles à la dernière celui qui la lève compte deux points pour icelle, si elle vaut dix de nombre, et si c’est un neuf, huit, sept, ou six, il ne compte qu’un point ; et cela étant fait, celui qui a emporté le plus grand nombre, compte pour cela dix points, et si un chacun s’en trouve également, tous deux ne comptent aucune d’icelles [sic].

Après chacun marque avec des jetons ou autres choses, tous les points qu’ils auront peu amasser ; et si la partie n’est finie de ce coup, ils recommencent à donner les cartes, ayant mêlé icelles [sic] et fait couper : savoir celui qui a été le premier, c’est à lui de donner à l’autre, continuant ainsi jusques à ce que l’un des deux ait atteint le nombre qui a été accordé au commencement : lequel accompli, si celui qui a perdu veut jouer encore l’on coupe, pour savoir qui fera le premier ; si toutefois l’on n’a accordé au commencement que serait comme la main finirait ou irait, car il ne faudrait en ce cas regarder qui ferait le premier : mais continuer alternativement à donner, comme si l’on n’avait achevé la partie, demeurant la liberté à l’un à l’autre de ne, plus jouer la partie étant achevée, sans qu’aucune chose se puisse en rien obliger, bien qu’il fût le premier, et qu’il perdit. Et remarquez que la partie s’achève par l’ordre qui est ci-devant dit.

EXEMPLE.

Si tous les eux sont tant avancés qu’il n’en faille à chacun que quatre ou cinq points pour achever, si l’un a blanche il a gagné, la ronfle va après pour gagner d’autant que la blanche se compte la première, mais s’il n’a blanche, la ronfle (comme dit est) se compte après, et puis les séquences, puis les As, Rois, Dames, Valets et dix, puis les points que l’on compte en jetant et levant, et finalement les dix points des cartes, qui ne se peuvent aucunement compter que les derniers, et après qu’elles sont achevées de jeter.

Les coups remarquables.

Quiconque peut compter tant en blanche, ronfle, séquences, As, Rois, Dame, Valets et dix, par trois ou par quatre, qui peut (dis-je) ayant assemblé tous les points compter jusqu'à trente, et sans avoir jeté aucune de ses cartes, ni que son compagnon ait rien compté au lieu de trente, il compte nonante, et autant de points qu’il a au dessus de trente, il compte autant de points avec les nonante, comme trente-un [sic], trente-deux, trente-trois, ou plus, il compte nonante-un [sic], nonante-deux, nonante-trois, et suivants : et cela s’appelle repic.

Plus, qui compte avec les mêmes choses que dessus, et jetant de ses cartes, et sans que son compagnon compte ou jette aucune carte, qui compte (dis-je) jusques à trente, au lieu de trente il compte soixante, et cela s’appelle pic.

Or il est à noter, que si au lieu de dire soixante il disait trente, et continuait à dire trente-un [sic], trente-deux, se reprenant il disait, et trente du pic, c’est soixante, ou nonante-deux, il ne perdrait pour cela son jeu, même quand serait à la fin des cartes, pourvu qu’il n’eût (après avoir marqué ses points) mêlé et fait couper, et qui pis est, commencer à donner ; car alors l’on est recevable à aucune chose pour compter les trente du Pic que l’on perd.

Qui lève toutes les cartes, au lieu de compter dix, que l’on a accoutumé de compter, il compte quarante, cela s’appelle Capot.

Se souvenant si tous deux se trouvent avoir également de la ronfle, des séquences, et des cartes, nul des deux ne compte lesdites choses qui sont égales, n’y ayant en cela aucune primauté ; ains [sic] seulement les points que chacun aura peu amasser, en jetant ou levant les cartes.

Des hasards qui arrivent en jouant, et les fautes que l’on peu commettre.

Premièrement, qui donne ou prend plus de cartes qu’il ne faut, soit par mégarde ou malice, il est au choix de celui qui est le premier, de refaire ou de jouer ; comme si celui qui est le premier en a treize au lieu de douze, et qu’il veuille jouer et ne point refaire, il faut qu’il en écarte une plus qu’il ne prend, afin que le dernier ait pareil nombre que le premier : mais si c’est celui qui donne qui en ait pris treize, n’étant qu’au choix du premier de refaire ou de jouer : d’autant que la faute ne vient que de celui qui donne le premier voulant jouer en ayant pris tel nombre des cartes restées qu’il voudra, et qu’il peut, le dernier pourra parfaire le nombre de douze, écartant une plus qu’il n’en prendra, et tout cela se doit faire s’avertissant l’un l’autre : et ce auparavant qu’avoir vu les cartes que l’on prend, ni mêlé les siennes premières ; car après cela, on n’est reçu à aucune chose, et faut que le jeu se joue comme il se trouve, aux peines ci-après portées pour ceux qui auront trop de cartes.

Or notez que si l’on donnait quinze ou seize cartes, cela se pouvant faire, donnant ou prenant une main davantage qu’il ne faut, il faut nécessairement refaire sans être au choix de nul des deux : et ce pour éviter le brouillement [sic] qui arriverait.

Qui a commencé à jouer, et a oublié à compter la blanche, la ronfle, quelques séquences, As, Rois, et choses semblables, il ne les peut plus compter après, et partant demeurent nulles à celui qui les a oubliées.

Quiconque auparavant que jeter la première carte ne monstre la quantité de ronfle qu’il a plus que l’autre ou pareille, ou les séquences, il n’y peut plus revenir, et les perd, et l’autre conte ce qu’il pourra montrer desdites choses, encore qu’elles fussent moindres, et qu’il eût joué en les montrant toutefois, et ce aussitôt que l’autre aura fait la faute : car il jette seulement une carte après ladite faute faite, il n’est non plus recevable que l’autre.

Quiconque accuse faux, comme de dire, j’ai trois ou quatre As, Rois, Dames, Valets et dix, lesquelles choses la coutume n’est de montrer, comme la blanche, ronfle et séquences, si il jette seulement une carte, ayant compté lesdites choses que son compagnon s’aperçoive au commencement, au milieu ou à la fin du coup, qu’il n’a les choses qu’il a dit avoir, cela se pouvant faire, ou par mégarde, ou en ayant écarté quelques-unes, pour punition il ne compte aucune chose de ce qu’il peut avoir de vrai, et l’autre peut compter tout ce qu’il aura, ce qui n’empêche le jeu de son compagnon, et ce pour le coup seulement, réservé toutefois si ce que l’on a compté empêchait le pic ou repic : car en ce cas celui qui a fait la faute ne peut empêcher que l’autre ne compte son jeu, encore qu’il eût commencé à jouer, et fut au milieu ou à la fin du coup.

Quiconque prend plus de cartes qu’il n’en écarte, il subit la même peine, et ne compte rien du tout, ou s’en trouve en jouant avoir plus qu’il ne faut : mais qui en prend moins, ou s’en trouve moins, il ne laisse de compter ce qu’il a, d’autant que l’on peut jouer avec moins, et non avec plus, et faut que celui qui en a moins fournisse aux cartes de l’autre tant qu’il en aura : Comme par exemple.

Si celui qui a douze cartes en lève dix tout de suite, et que les deux dernières soient de différentes peintures ou façons, il faut que celui qui n’en a qu’une jette sa carte sur celle que l’autre jettera, encore qu’elle ne soit de sa couleur, et peut être capot, encore que l’autre carte qui reste soit de la peinture de celle qu’il a jetée, et moindre qu’icelle [sic] en valeur : car comme il a dit, il faut fournir des cartes que l’on jette, et puis c’est la faute de celui qui en a le moins, puis qu’il en pouvait prendre autant que l’autre.

Plus toute carte qui touche le tapis, c’est à dire, qui en la jetant est abandonnée de la main, ne se peut plus reprendre, si ce n’est qu’ayant de la même couleur, par mégarde n’en pensant avoir, l’on jetât d’une autre peinture, en ce cas il faudrait reprendre et jeter l’autre : car l’on ne peut renoncer, et n’y a aucune peine ; mais si en pensant jeter un As, Roi, Dame ou autre, l’on jetait une moindre que celle sur laquelle l’on jette, étant abandonnée de la main, il faut qu’elle demeure, et ne se peut aucunement reprendre.

Plus, qui au lieu de trois ou quatre As, Rois, Dames, Valets et dix, compte autres desdites choses qu’il n’a point, il perd tout son jeu, comme il est dit ci-devant.

EXEMPLE.

S’il y en a un qui ait des As, et compte des Rois ou semblablement, bien qu’il ait véritablement les As, si est-ce que pour s’être mépris, et avoir dit l’un pour l’autre, il encourt la peine portée par ce jeu, ce coup seulement, et ayant commencé à jouer : car n’ayant jeté aucune carte, il est permis de se reprendre, sans que pour cela il y ait aucune peine.

Celui qui a abandonné ses cartes, pensant avoir perdu, et les brouille avec les autres qui sont sur la table, encore qu’il s’aperçoive qu’il s’est abusé, il ne les peut reprendre, ni espérer d’achever son jeu, et a perdu : mais pourvu qu’il n’y ait rien de mêlé, il est toujours reçu à voir s’il a perdu ou non.

Plus, comme il arrive souvent, si ne restant plus en la main que deux ou trois cartes, et croyant que celui contre qui on joue ait les plus hautes de celles qui restent, et par conséquent il les puisse lever, on les abandonne toutes ensemble, celles qui se trouvent toucher le tapis les premières, sont celles qui se doivent tenir les premières jetées : tellement que l’autre aurait écarté une ou deux de celles que l’on pense qu’il ait, il pourra lever ou laisser lesdites cartes, selon que celles qu’il aura seront plus hautes ou plus basses que celles qui sont sur le tapis, il n’est permis d’écarter en deux fois : comme pour exemple.

Le premier écarte six cartes, et par conséquent il en prend six, si arrivant à la septième il la reconnaissait par l’envers, et jugeât lui être utile, il ne lui est permis d’en écarter encore une pour prendre celle-là.

Tout de même le dernier s’il écarte une ou deux moins qu’il ne reste, et les venant à prendre, il en reconnaît quelqu’une qu’il doive laisser, il ne peut non plus que l’autre écarter pour la reprendre : et n’est permis aussi à aucun des deux, auparavant que d’écarter de regarder les cartes que l’on doit prendre, c’est à dire les éparpiller, d’autant qu’elles se peuvent reconnaître : c’est pourquoi le premier doit dire à l’autre la quantité qu’il prend et qu’il laisse au vrai, afin que le dernier ne puisse avoir sujet de dire, je ne sais combien vous en avez pris, et partant il faut que je les compte ; ce qu’il ne peut faire, si ce premier ne lui refuse de lui dire la quantité qu’il prend et qu’il laisse.

Plus si ayant écarté moins de cartes que l’on n’en prend, l’on s’aperçoit que l’on en prend trop, pourvu que l’on n’en ait retourné aucune, où icelles mises dessus les siennes, seulement l’on peut remettre celles que l’on a de trop : mais si l’on en retourne une, ou qu’elles soient mises sur celles que l’on a, c’est une faute qui porte la peine de perdre son jeu, ce coup-là seulement.

Plus si ayant donné par mégarde, l’on redonne une seconde fois de suite, si celui qui se méprend se ravise que ce n’est à lui à donner ; il faut que l’autre donne, pourvu qu’il n’ait vu aucune de ses cartes, bien que l’autre eût vu les siennes.

Plus, si le premier accusant la ronfle, les séquences, As, Rois, ou choses semblables, le dernier répondrait cela est bon, après regardant son jeu, pourvu qu’il n’eût jeté aucune carte, car après l’on est recevable à rien, et s’il se trouve qu’il se serait abusé, et qu’il aurait plus és [sic] mains de ronfle, ou de plus basses séquences, ou plus hautes, ou des As, des Rois, ou choses pareilles de plus haute valeur que celle que l’autre aurait comptés, il y peut revenir et compter ce qu’il a desdites choses.

Tout de même le dernier ayant laissé compter au premier la ronfle, les séquences, As, Rois, ou choses semblables, auparavant que jouer il se ravisait et trouvait avoir autant ou plus desdites choses, il y peut aussi revenir, encore que le premier eût commencé à jouer, lequel serait contraint de déduire sur ce qu’il compterait ce qu’il aurait déjà compté au préjudice de l’autre, la parole (comme il a été dit) n’obligeant aucunement, même quand l’on accuse la ronfle, pour savoir la quantité que l’autre peut avoir, et qu’il juge par les cartes qu’il a, s’il n’en écarte, il est permis de dire plus ou moins que l’on n’en a, et l’autre ayant répondu selon qu’il dit, l’on peut alors dire justement ce que l’on a, sans que pour cela y ait aucune peine.

Car ainsi le veut la liberté de ce jeu, et principalement à Paris et és [sic] environs y ayant toutefois d’autres pays, comme Provence et Languedoc, où la première parole que l’on dit, est celle qui subsiste, et n’est permis de se dédire.

La blanche se compte premier que toute autre chose, et se doit montrer tant par le premier que par le dernier auparavant que d’écarter, comme il est dit ci-devant : car après l’on est recevable, encore qu’il y eût des témoins que l’on l’avait auparavant, et empêche le pic et repic, et qui n’a que cela : comme aussi elle sert à le faire jouer avec les autres choses qui suivent.

Plus si pouvant avoir quatre As, quatre Rois, Dames, Valets et dix, l’on en aurait écarté un, et en comptant seulement trois desdites choses, et lui étant répondu qu’ils sont bons, et les ayant comptés il est obligé, si l’autre lui demande, de dire laquelle desdites choses lui manque, ou bien montrer les trois autres, si l’autre les veut voir, et n’est permis de le refuser.

Plus comme il peut arriver, si les cartes se trouvaient fausses, comme y ayant d’eux d’une même façon, n’y a que le coup où l’on s’aperçoit de la fausseté qui demeure nul, tant à l’un qu’à l’autre, tous les autres auparavant étant valables.

Mais si après avoir regardé à qui donnerait les cartes, en les donnant il en trouverait trop ou trop peu, il ne faudrait pour ce manquement regarder derechef à qui serait le premier : mais ayant ôté ce qui serait de superflu, on ajoute ce qui manquerait, il faudrait remêler [sic] seulement, et que celui à qui serait à donne qu’il donnât. Il n’est permis de changer le nombre par lequel l’on donne les cartes, en le disant auparavant qu’il coupe.

EXEMPLE.

L’on a donné par trois cartes, et perdant l’on pense changer la fortune en donnant par deux ou par quatre, même une à une : il est permis de reprendre les même nombre, si le malheur continuait, le disant (comme dit est) toujours auparavant que l’on coupe, et se souvenir qu’il n’est jamais permis de donner un plus haut nombre que quatre.

Plus si ayant coupé nettement, c’est à dire, sans éparpiller les cartes, l’un des deux reconnaissant que la première carte est bonne ou mauvaise : comme le premier en voyant que c’est un six ou un sept n’en voulant point, il disait à l’autre qu’il remêlât [sic] pour couper derechef, cela ne lui est permis, et faut qu’il la prenne, puis qu’il l’a coupé nettement : tout de même celui qui les présente, s’il voyait que l’autre eut coupé un As, ou une autre bonne carte voulait aussi refaire, il ne lui serait non plus permis, et y doit avoir peine pour ceux qui font, que l’on doit convenir auparavant que de jouer, d’autant que c’est une espèce de tromperie ou mauvaise foi, qui mérite punition. Plus, si en donnant il se trouvait une carte retournée autrement qu’elle ne doit être, il ne faudrait remêler [sic], ains [sic], faut que celui à qui elle arrive la prenne, soit bonne ou mauvaise : mais s’il s’en trouve deux, alors il faut nécessairement remêler [sic] et donner derechef, car cela pourrait apporter trop davantage à l’un et à l’autre. Quiconque est trouvé changeant, ou bien reprenant des cartes, outre qu’il est tenu pour un trompeur et infâme, il perd tout son jeu, et ne doit rien compter, et le doit-on quitter, et ne plus jouer avec lui.

Voilà tout ce qui me semble appartenir et dépendre de ce jeu : car s’il survient quelques autres difficultés l’on les peut résoudre par celle-ci, et selon qu’il semblera raisonnable : car ce qui est de la science de bien jouer, qui consiste à écarter et bien jeter les cartes à propos pour les gagner, comme cela dépend de celles qui vous arrivent ; la démonstration en serait longue et ennuyeuse, et peut-être aucunement incertaine, tellement qu’il vaut mieux le pratiquer, ou voir jouer ceux qui y sont les plus savants.

FIN.

(Texte saisi par David Chataignier à partir de l'exemplaire BNF V-42572 de l'édition originale)




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