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Laissez-moi l'ajuster


"Monsieur, votre rabat par devant se sépare. - N'importe. - Laissez-moi l'ajuster, s'il vous plaît. - Ouf! tu m'étrangles, fat; laisse-le comme il est. - Souffrez qu'on peigne un peu. - Sottise sans pareille ! - Tu m'as d'un coup de dent presque emporté l'oreille. - Vos canons. - Laisse-les, tu prends trop de souci. - Ils sont tout chiffonnés. - Je veux qu'ils soient ainsi. - Accordez-moi du moins, par grâce singulière, De frotter ce chapeau, qu'on voit plein de poussière. - Frotte donc, puisqu'il faut que j'en passe par là. - Le voulez-vous porter fait comme le voilà ? - Mon Dieu, dépêche-toi. - Ce serait conscience. - C'est assez. - Donnez-vous un peu de patience. - Il me tue. - En quel lieu vous êtes-vous fourré ? - T'es-tu de ce chapeau pour toujours emparé ? - C'est fait. - Donne-moi donc. - laissant tomber le chapeau.Hay ! - Le voilà par terre. - Je suis fort avancé. Que la fièvre te serre ! - Permettez qu'en deux coups j'ôte."
Les Fâcheux, I, 1 (v. 132-149)

Les lazzi par lesquels un valet balourd importune son maître en voulant l'habiller étaient une spécialité des comédiens du Théâtre italien de Paris.

Les notes de l'Arlequin Biancolelli, traduites par Gueulette, en proposent deux exemples pour les spectacles suivants, joués durant les années 1660 :

A la scène II, 7 de son Amant indiscret (1656), Quinault avait lui aussi mis en oeuvre un jeu de scène s'inscrivant dans cette tradition.

Un lazzo similaire sera mis en scène dans Le Misanthrope ("veux-tu parler").


(1)

Il me dit qu'il veut s'habiller et que j'aille chercher ses habits; j'y cours, je lui apporte son chapeau; "Et mon manteau ?", me dit-il ? Je vais le lui chercher et je reporte le chapeau; je répète deux ou trois fois le même lazzi. Ensuite j'apporte son épée et des brosses, je mets le tout à terre, je commence à brosser mon chapeau et à me débarbouiller; ensuite je brosse son chapeau et je crache dessus, puis je tire l'épée du fourreau, j'espadonne, je la remets dans le fourreau et je cogne la garde contre terre; le maître s'impatiente, je ramasse le manteau qui est à terre, je le secoue au nez du maître, je le lui mets par devant et je lui dis : "Vous vous levez si matin que vous vous mettez la tête tout de travers : votre nez est de ce côté, il devrait être de l'autre"; je veux lui retourner la tête de l'autre côté, il demande un peigne, je vais chercher celui des chevaux.
Quand je l'ai habillé, je feins d'être embarrassé de mon chapeau, je le mets sur la garde de son épée; ensuite je tire son épée avec le fourreau, je la nettoie, puis je lui donne à tenir le fourreau et pour y mettre l'épée je cours comme pour y enfiler la bague, il laisse tomber et se retire; quand je brosse son chapeau, je lui mets le mien sur la tête, de peur qu'il ne s'enrhume; il le jette à terre, j'y jette aussi le sien.
(éd. D. Gambelli, Arlecchino a Parigi. Lo scenario di Domenico Biancolelli, Rome, Bulzoni, 1993, t. II, p. 160)

(2)

Je reproche à Scaramouche que les souliers du Docteur ne sont pas bien nettoyés, nous voulons les rendre plus propres, nous le prenons chacun par une jambe et nous lui faisons faire la culbute.
(ibid., p. 568)




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