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La statue baisse la tête
- "Seigneur Commandeur... je ris de ma sottise, mais c'est mon maître qui me la fait faire. Seigneur Commandeur, mon maître Dom Juan vous demande si vous voulez lui faire l'honneur de venir souper avec lui. (La statue baisse la tête.) Ha! - Qu'est-ce? qu'as-tu, dis donc, veux-tu parler? SGANARELLE fait le même signe que lui a fait la statue et baisse la tête.- La statue... - Eh bien, que veux-tu dire, traître - Je vous dis que la statue... - Eh bien, la statue? Je t'assomme si tu ne parles. - La statue m'a fait signe. - La peste le coquin. - Elle m'a fait signe, vous dis-je, il n'est rien de plus vrai. Allez-vous-en lui parler vous-même pour voir; peut-être... - Viens, maraud, viens, je te veux bien faire toucher au doigt ta poltronnerie, prends garde. Le seigneur Commandeur voudrait-il venir souper avec moi? La statue baisse encore la tête. - Je ne voudrais pas en tenir dix pistoles. Eh bien, Monsieur? - Allons, sortons d'ici."
- Don Juan ou le Festin de pierre, III, 5
L'invitation de la statue à souper est formulée lors d'un échange de répliques semblable dans
Des statues mouvantes et parlantes animaient des scènes
- du "Ballet des Noces de Pélée et Thétis" (1655) (4)
- de l'Ercole amante de Buti et Cavalli, joué à la salle des Tuileries en 1662 (5)
- du "Ballet de la Naissance de Vénus (26 janvier 1665) (6)
La statue du Festin de pierre était célèbre au point d'être citée par Boileau dans sa satire III (1666) (7)
(1)
- BRIGUELLE
- [...]
- Fantôme, Esprit, Figure, ornement du trépas,
- Bref, qui que vous soyez, je ne vous connais pas,
- Je sais bien qu'étant vif, vous étiez gentilhomme,
- Mais je crois qu'à présent vous êtes esprit, fantôme,
- Mais esprit débonnaire et fantôme de bien.
- Je viens donc vous prier, mais vous n'en ferez rien,
- De la part de mon maître, homme qui vous estime,
- Et quoi qu'il fasse enfin à regret de son crime,
- De vouloir avec lui prendre un mauvais repas.
- BRIGUELLE
- continue. La Figure fait signe de la tête.
- Ah, Monsieur !
- DOM JOUAN
- Qu'est-ce donc ?
- BRIGUELLE
- Ah ! je ne me sens pas,
- La frayeur me possède.
- DOM JOUAN
- Eh bien ! d'où naît ta crainte ?
- BRIGUELLE
- Ne l'avez-vous pas vu ? Ne faites point de feinte.
- DOM JOUAN
- Eh quoi ? Qu'aurais-je vu ?
- BRIGUELLE
- La Figure.
- DOM JOUAN
- Et comment ?
- BRIGUELLE
- Elle m'a répondu par un grand mouvement,
- Sa tête s'est baissée, et cela nous assure
- Qu’elle viendra chez nous.
- DOM JOUAN
- Ah, le plaisant augure !
- C'est la peur qui t’abuse en cette vision.
- BRIGUELLE
- Vous-même allez donc voir si c'est illusion.
- DOM JOUAN
- Oui-da, j'irai moi-même, et sans donner créance
- Au ridicule effet de ton extravagance,
- Mais pour braver cette ombre encor dans son tombeau.
- Ombre, je te conjure.
La Figure fait de nouveau signe de la tête.
- BRIGUELLE
- Il paraît de nouveau.
- DOM JOUAN
- Oui, viens, je t'attendrai, cette chose est nouvelle,
- Allons, je suis content, suis-moi, suis-moi, Briguelle.
- (IV, 8)
(2)
- PHILIPPIN
- [...]
- Esprit si bien monté dessus ton grand cheval,
- Qui m'as fait jusqu'ici plus de peur que de mal,
- Qui ne m'en feras pas, s'il te plait, davantage ;
- Mon maître Dom Juan échappé du naufrage,
- Qui depuis ce temps là n'a ni bû, ni mangé,
- Ni son valet non plus, m'a dit, et m'a chargé,
- De te venir prier en toute révérence
- De souper avec lui, je ferai la dépense ;
- Et si tu veux venir sans me faire de peur,
- Je te ferai grand chère, et boire du meilleur.
- Il dit qu'il y viendra.
- DOM JUAN
- Il le dit ?
- PHILIPIN
- Il me semble, Monsieur, qu'il a parlé.
- DOM JUAN
- Bien nous boirons ensemble.
- Portons encore la voix au fond de son cercueil. Esprit.
- PHILIPIN
- Il me regarde, il fait signe de l'œil.
- Mais comment viendra-t-il ? sait-il notre demeure ?
- DOM JUAN
- Dis-lui qu'il peut venir au plus tard dans une heure,
- Dans cette hôtellerie, à deux cents pas d'ici.
- PHILIPIN
- Ombre, viendrez vous pas ? dites.
- L'OMBRE
- Oui.
- PHILIPIN en tombant.
- Grand merci.
- (IV, 8)
(3)
- Passarino.
- Signor Commendatore al dis cosi al me patron se la vol vegnir con lu a cena.
- Qui la Statua mova la testa, e dica di si. Il Zanni casca.
- D. Giovanni.
- Che hai?
- Passarino.
- Ah poveret mi, l'ha dit de si.
- D. Giovanni.
- Eh che hai bestia? torna a dimandarglielo.
- Passarino.
- Ah Signor, andem via de qui, perché mi me son fatt' la triaga , in ti calzoni.
- D. Giovanni.
- E ch'io non lo credo; sei tu che ti sei ingannato, torna a dirglielo di novo, che voglio osservare.
- Passarino.
- Guardè ben Signor, vedi: al dis cosi al me patron se a voli vegnir con lu a cena sta sera.
- Qui la Statua torna a movere la testa col dir di si.
- Passarino.
- Aimè, aimè, aimè Signor, oimè.
- Il Zanni casca, e si serra
- D. Giovanni.
- Non temere Passarino, vieni meco, poiché avanti l'ora di cena, mi convie trasferirmi in un negotio di non poca consideratione. Vieni dico, e sta allegro.
- Vià.
- Passarino.
- Questa è la volta ch'a dezun per quindesi zorni.
- Vià.
- (III, 2)
(4)
- Scène troisième, qui représente un théâtre et au fond de la perspective une statue du dieu Mars [...] la statue de mars ayant parlé et prédit toute sorte de bonheur.."
(5)
- L'ombre sort des ruines du tombeau et lui fait de sanglants reproches de ce qu'elle veut être la femme de son meurtrier [...] puis retombe aux Enfers en murmurant"
- (Livret du ballet, par Benserade, p. 18)
(6)
"Le théâtre change de face, le temple de Paphos dédié à Vénus s'ouvre et sa statue s'y fait voir"
(7)
- A tous ces beaux discours j'étais comme une pierre
- Ou comme la statue est au Festin de pierre
- (p. 25)
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