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La peur de mourir


"Le plus grand faible des hommes, c'est l'amour qu'ils ont pour la vie, et nous en profitons nous autres, par notre pompeux galimatias; et savons prendre nos avantages de cette vénération, que la peur de mourir leur donne pour notre métier."
L'Amour médecin, III, 1

L'idée selon laquelle la crainte de la mort conditionne les croyances humaines figurait dans le De natura rerum de Lucrèce (1).

Elle avait été développée également


(1)

[...] animi natura videtur,
atque anima claranda meis iam versibus esse.
et metus ille foras praeceps Acheruntis agendus
funditus, humanorum qui vitam turbat ab imo,
omnia suffrundens mortus nigrore, neque ullam.
esse voluptatem liquidam, puramque relinquit.
(III, v. 32-39)

[...] Il me semble à propos de discourir de la nature de l'esprit et de l'âme, et de chasser bien loin cette crainte de l'enfer, qui trouble jusque dans le fonds la tranquillité de la vie humaine, répand sur toutes choses la noirceur de la mort, et ne nous laisse goûter aucune volupté parfaite, ni qui soit dans sa pureté.
(trad. Michel de Marolles, Paris, G. de Luyne, 1659)

Nam si certam finem esse viderent
aerumnarum homines; aliqua ratione valerent
relligionibus, atque minis obsistere vatum:
nunc ratio nulla est restandi, nulla facultas,
aeternas quoniam poenas in morte timendum.
ignoratur enim, quae sit natura animaï.
(I, v. 106-111)

Car si les hommes voyaient la fin assurée de leurs misères, ils seraient en quelque façon capables de résister aux fantaisies de la religion, et aux menaces des poètes. A cette heure toutefois, il n'y a plus de raison, parce qu'il faut appréhender les peines éternelles dans la mort, à cause que l'on ignore la nature de l'âme.
(trad. Michel de Marolles, 1659) (1)

(2)

C'est la crainte de la mort et de la douleur, l'impatience du mal, une furieuse et indiscrète soif de la guérison, qui nous aveugle ainsi: c'est pure lâcheté qui nous rend notre croyance si molle et maniable.
(éd. C. Journel, Paris, 1659, p. 816-817.)

(3)

LE MEDECIN
[...] Mais si l'on est si mal persuadé de nous et de notre art, pourquoi nous appelle-t-on ?

LE CAPITAINE
La frayeur que les hommes ont de la mort en est cause, et pensant l'éviter par votre secours, ils en hâtent les approches. Vous parlez toujours d'une manière si hardie, et si décisive du pronostic et de la curation de la maladie, que le malade se sent merveilleusement soulagé quand il vous a entendus prononcer gravement et en termes extraordinaires ce qu'il n'entend pas et que souvent vous n'entendez pas vous-même.
(p. 77-78)


(1)

source : A. McKenna, Molière dramaturge libertin, Paris, Champion, 2005, p. 108-109




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