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La naissance n'est rien où la vertu n'est pas


"Non, non, la naissance n'est rien où la vertu n'est pas. Aussi nous n'avons part à la gloire de nos ancêtres, qu'autant que nous nous efforçons de leur ressembler, et cet éclat de leurs actions qu'ils répandent sur nous, nous impose un engagement de leur faire le même honneur, de suivre les pas qu'ils nous tracent, et de ne point dégénérer de leurs vertus, si nous voulons être estimés leurs véritables descendants."
Don Juan ou le Festin de pierre, IV, 4

L'idée, qui avait constitué le motif principal de la satire VIII de Juvénal (4), est énoncée à plusieurs reprises par La Mothe le Vayer

On la retrouve également dans la XXVIe conversation "De la roture" de L'Esprit de cour (1662) de René Bary (5), dans le roman Tarsis et Zélie (1665) de Le Vayer de Boutigny (6), ainsi que dans le roman Carmente (1666) de Mlle Desjardins (7)

(voir également "leur gloire est un flambeau" et "la noblesse, de soi, est bonne")


(1)

A le bien examiner, il n'y a plus qu'une ombre vaine de noblesse où les vertus manquent, puisqu'elle tire son origine de ces mêmes vertus. Autrement, ne sommes-nous pas tous sortis d'un même principe ?
(éd. des Oeuvres de 1756, VII, 2, p. 61)

(2)

Nous avouons tous que la vertu sert de fondement à la vraie noblesse, qui ne saurait pas conséquent subsister, ni beaucoup moins être de considération, si vous lui ôtez ce qui la soutenait.
(éd. des Oeuvres de 1756, II, 2, p. 406-407)

Il n'y a point de personne raisonnable qui ne doive préférer une gloire que la vertu fait naître à celle qui finit par le vice.
(ibid., p. 417)

(3)

Mais je ne puis souffrir qu'un fat, dont la mollesse
N'a rien pour s'appuyer qu'une vaine noblesse,
Se pare insolemment du mérite d'autrui,
Et me vante un honneur qui ne vient pas de lui.
Je veux que la valeur de ses aïeux antiques
Ait fourni de matière aux plus vieilles chroniques,
Et que l'un des Capets, pour honorer leur nom,
Ait de trois fleurs de lis doté leur écusson :
Que sert ce vain amas d'une inutile gloire,
Si, de tant de héros célèbres dans l'histoire,
Il ne peut rien offrir aux yeux de l'univers
Que de vieux parchemins qu'ont épargnés les vers ;
Si, tout sorti qu'il est d'une source divine,
Son cœur dément en lui sa superbe origine,
Et n'ayant rien de grand qu'une sotte fierté,
S'endort dans une lâche et molle oisiveté ?
(p. 40)

(4)

Cur Allobrogicis et magna gaudeat ara
Natus in Herculeo Fabius lare, si cupidus, si
Vanus, et Euganes quantumvis mollior agna;
Si tenerum attritus Catinensi pumice lumbum,
Squalentes traducit avos, emptorque veneni,
Frangenda miseram funestat imagine gentem?
Tota licet veteres exornent undique ceræ
Atria, nobilitas sola est atque unica virtus.

Paulus, vel Cossus, vel Drusus moribus esto;
Hos ante effigies majorum pone tuorum;
Præcedant ipsas illi te consule virgas:
Prima mihi debes animi bona. Sanctus haberi,
Justitiæque tenax factis dictisque mereris?

Pourquoi Fabius, qui est de la race d’Hercule, se glorifie-t-il des Allobroges vaincus, et du grand autel bâti par ses ancêtres, s’il est un homme ambitieux et vain, s’il est plus mol qu’une jeune brebis du pays des Euganéens, si avec ses reins délicats frottés d’une pierre ponce de Catane, il déshonore les statues moisies de ses pères, et si avec son image qu’on devrait mettre en pièces, il infecte la gloire de sa famille infortunée, par les empoisonnements dont il est soupçonné ? Encore que les vieilles images de cire ornent les grandes salles du palais, si est-ce que la seule, et l’unique noblesse, vient de la vertu.
Ressemble en tes mœurs à Paulus, à Cossus, ou à Drusus. Mets devant tes yeux ces grands personnages plutôt que les images de tes ancêtres : qu’ils précèdent même tes faisceaux et tes haches, quand tu seras consul ; les premières qualités que je te demande, sont celles de l’âme. Si tu mérites d’être tenu pour homme sincère, et pour protecteur inviolable de la justice, par tes paroles, et par tes actions, je te reconnaitrai aussi pour un homme de condition et de naissance illustre.
(Les satyres de Juvénal en latin et en français, de la traduction de M[onsieur].D[e].M[arolles].A[bbé].D[e].V[illeloin]., Paris, G. de Luyne, 1653, p. 209-211)

(5)

MESSENE
Quelle faiblesse! La plupart des personnes s'imaginent que la vertu n'est pas noble dans un sujet roturier!

ARISTIDE
Si la noblesse était un véritable bien, elle perfectionnerait toujours ceux qui le possèdent ; mais elle ne sert souvent qu'à rendre leurs sottises plus remarquables.
(p. 167)

(6)

Si dans un corps noble, je ne vois qu’une âme basse, je ne considère alors la noblesse, que comme un reproche qui doit augmenter la confusion de celui qui a si honteusement dérogé à ses ancêtres.
(I, 2, p. 174)

(7)

Le sceptre ne porte point de vertus avec lui, et le caprice de la nature qui fait naître un enfant d'un souverain, plutôt que du moindre de ses sujets, ne donne pas une autre âme à ce roi naissant, qu'à un enfant né parmi le peuple. Au contraire, on voit souvent que le pouvoir de tout entreprendre, et que l'autorité souveraine a rendus des gens vicieux, qui auraient peut-être eu plus de vertu, s'ils n'avoient pas été nés fur le trône.
(éd. des Oeuvres de 1720, p. 318)




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