Content-Type: text/html; charset=UTF-8

La mort rajuste toutes choses


"Je n'étais pas fort satisfait de sa conduite, et nous avions le plus souvent dispute ensemble ; mais enfin, la mort rajuste toutes choses. Elle est morte : je la pleure. Si elle était en vie, nous nous querellerions."
L'Amour médecin, I, 1

L'ambivalence de sentiments qu'un mari peut éprouver à la mort de sa femme était exposée par Descartes dans le Traité des passions de l'âme :

Par exemple, lorsqu'un mari pleure sa femme morte, laquelle (ainsi qu'il arrive quelquefois) il serait fâché de voir ressuscitée, il se peut faire que son cœur est serré par la tristesse, que l'appareil de funérailles et l'absence d'une personne à la conversation de laquelle il était accoutumé excitent en lui ; et il se peut faire que quelques restes d'amour ou de pitié, qui se pressent à son imagination, tirent de véritables larmes de ses yeux, nonobstant qu'il sente une joie secrète dans le plus intérieur de son âme, l'émotion de laquelle a tant de pouvoir que la tristesse et les larmes qui l'accompagnent ne peuvent rien diminuer de sa force.
(§ 147)

L'éloge de la défunte épouse de Sganarelle présente des affinités avec l'"Eloge de la bourrique" dans les notes de l'Arlequin Biancolelli pour le spectacle "La dot par la métempsycose / Dotte per la metempsicose", probablement joué dans les années 1670 :

Les anciens philosophes ont tous été du sentiment unanime que la mort est la fin de la vie et, en effet, Messieurs, il y a quelque apparence ; mais ces mêmes philosophes ont dit qu'il était impossible à l'homme de compter les grains de sable de la mer ; comment pourrais-je donc, ô illustre assemblée, faire l'éloge de toutes les rares qualités de ma défunte ânesse ? [...] J'ouvrirai l'écluse de mes paroles pour vous dire que ma bourrique est morte et que la Parque inhumaine a coupé le licol d'une si belle vie. Oui, Messieurs, elle est morte celle qui possédait toutes les grâces, toutes les qualités, toutes les prérogatives de l'univers.[...] Mais, Messieurs, l'illustre successeur qui vous reste de cette aimable bourrique, cet enfant, le fruit de ses entrailles qu'elle a légitimé avant sa mort, vous doit en partie consoler de sa perte ; et, de même que, quand une truie meurt dans l'enfantement, son maître est dans l'affliction, et qu'il n'y a que cinq ou six petits cochons de lait, vrais portraits de leur mère, qui puissent le consoler de sa perte, de même notre gracieuse bourrique, en quittant la vie, vous a laissé pour unique consolation son portrait dans la personne de son enfant, de ce cher fils, qui n'est autre que notre fameux Scaramouche.
(éd. D. Gambelli, Arlecchino a Parigi. Lo scenario di Domenico Biancolelli, Rome, Bulzoni, 1993, t. II, p. 762-763)




Sommaire | Index | Accès rédacteurs