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La griffe est là-dessous


"De tous ces damoiseaux on sait trop les coutumes :
Ils ont de beaux canons, force rubans et plumes,
Grands cheveux, belles dents, et des propos fort doux ;
Mais comme je vous dis, la griffe est là-dessous ;
Et ce sont vrais Satans, dont la gueule altérée
De l'honneur féminin cherche à faire curée."
L'Ecole des femmes, III, 1 (v. 651-656)

Les séducteurs de jeunes filles sont présentés comme diaboliques

Dans une lettre du 16 août 1665, Robinet raconte une anecdote dans laquelle une jeune fille est séduite par un démon déguisé en blondin (3)

Voir aussi "un péché mortel".


(1)

Du Bosc, L’Honnête femme (1632) :

Il faut croire que ceux qui désirent une femme sans dévotion la désirent aussi insolente et sans pudeur, et qu’après lui avoir effacé de l’âme le respect et les sentiments de la religion, ils ont dessein de lui ravir ce qui lui donner un si puissant avantage parmi les hommes. C’est une vieille ruse qui a commencé avec le monde, et les libertins ne font rien en cela avec les femmes de ce siècle que le Diable n’ait pratiqué avec la première, lorsqu’il lui ôta la crainte de Dieu d’abord, afin de lui persuader après facilement toute autre liberté, ces impies qui dérobent l’immortalité à l’âme pour la donner à leurs infâmes plaisirs, et qui voudraient ôter s’ils pouvaient l’être éternel à cette essence très pure et très simple, qui contient tout et n’est bornée d’aucune chose, manquent bien de jugement de chercher la réputation de bon esprit dans le mépris de la religion […].
(Paris, P. Billaine, 1632, p. 81-83)

Celles qui se promettent […] de ne faire que des faveurs indifférentes que la civilité permet, après avoir plus souffert qu’elles ne doivent, rencontrent un précipice où elles croient trouver un divertissement. L’amour comme les serpents se glisse tout entier là où on lui donne la moindre entrée, son commencement pour l’ordinaire est contraire à sa fin, les apparences sont toujours utiles ou honorables.
(Ibid., p. 110-111)

Les plus habiles […] contrefont les simples et les ignorants pour parvenir plus facilement à leurs prétentions. Ils passent des petites faveurs aux grandes, et avancent toujours leur dessein, jusques à changer leur prière en menaces, et leur douceur en violence : et c’est pour lors qu’on reconnaît trop tard que la vraie simplicité est mal traitée, quand elle se joue avec celle qui est fausse.
(Ibid., p. 112-113)

Quelque bonne que soit une compagnie, la défiance est toujours meilleure que la hardiesse, et puisque celle qui doit être l’exemple de son sexe a été conçue avec d’un [sic] ange qui paraissait sous le visage d’un homme, les femmes aussi doivent toujours craindre les hommes quand ils seraient sous la forme d’un ange : si ce n’est que n’ayant pas son dessein, elles n’aient pas aussi besoin de craindre.
(Ibid., p. 118-119)

--

(2)

Grenaille, L'Honnête fille (1639) :

Que les Diables sont les principaux auteurs de tous les instruments de la vanité des femmes et des filles.

Ce sont les Anges Apostats qui ont produit toutes ces inventions pour perdre les filles des hommes après s’être perdus eux-mêmes. Ils voulurent profaner la terre après avoir prophané le Ciel. Ce sont eux qui ont appris aux femmes l’art de se noircir agréablement les yeux, et de rendre des joues pâles en effet, vermeilles en apparence. Ils les ont instruites à se colorer le poil aussi bien qu’à le changer, et à détruire la vérité de leur face et de leur tête par la corruption d’un visage supposé.
(Paris, Champion, 2003, p. 472)

tu as emprunté à ton ennemi de quoi te parer pour être brûlée éternellement en sa compagnie.
(Ibid., p. 474-475)

(3)

Ne sachant rien des autres Lieux
Qui soit grandement curieux,
Je vais finir par un CHAPITRE
A qui l’on peut donner pour Titre,
Et ce Titre serait fort bon :
LES AMOURS DE MÉDOR, DÉMON,
ET D’ANGÉLIQUE, SA CAPTIVE,
DE LA VILLE D’ANGERS NATIVE,
Comme très bien le jugera
Qui ce beau Chapitre lira.

Dans ANGERS donc une PUCELLE,
Jeune, spirituelle et belle,
Ayant ardemment souhaité
(Ô quelle curiosité
Pour une charmante Mignonne !)
De voir quelque Diable en Personne,
Un d’eux, entendant ses soupirs,
Vient satisfaire à ses désirs,
Et soudain entre en la Chambrette
Où cette Belle était seulette.
Mais, pour mieux conquêter [sic.] son Cœur,
Il avait caché sa laideur ;
Ce n’était plus un Malitorne [sic.],
Il n’avait ni griffe ni corne,
Ni queue, au moins qu’on vit alors,
Ni pas un des affreux dehors
Qu’on donne aux Démons en Peinture ;
Il était de riche stature,
Il avait l’œil riant et beau,
Et tout l’air d’un frais Jouvenceau.
Il parut même à la Bourgeoise
Vêtu des mieux à la Françoise,
Selon la mode d’à présent ;
Bref, le Fripon se composant
De la façon la plus coquette
Pour charmer la jeune Friquette,
A la façon de nos MARQUIS,
Dont tout le geste il avait pris,
Il peignait une Tresse blonde,
Sur ses Épaules vagabonde,
Et l’on ne vit jamais, ma foi,
Un si beau Diable, croyez-moi,
La Fillette fut bien surprise,
Car, puisqu’il faut que tout je dise,
Le Drôle subtil et dispos
Se coula léans à huis clos.
Mais aisément, par son adresse,
Il sut rassurer sa Maîtresse,
Et voici, je pense, à peu près,
Comme il lui parla tout exprès :
« Beauté de mille attraits pourvue,
» N’ayez nul effroi de ma vue. »
Lui dit-il, « je suis l’un de ceux
« Qu’ont désiré voir vos beaux Yeux,
» L’un des HABITANTS de l’AVERNE,
» Qui m’appelle ASTORATOERNE.
» Ce nom n’est pas un nom galant,
» Mais je vous jure, Objet brillant,
» Dont l’Aspect me réduit en braise
(Ce disant, il prend une Chaise
Pour mieux cajoler ses Appas),
» Que si ce nom ne vous plaît pas,
» Sur le Champ je me débaptise
» Pour en prendre un que fort l’on pris,
» Un lequel est presque tout d’or,
» Et ce beau Nom sera MÉDOR.
» Vous, digne Objet dont je me pique,
» Vous prendrez celui d’ANGÉLIQUE,
» Ces deux Noms sont les plus charmants
» Que j’aye [sic.] lus dans les Romans,
» Et sous ces noms, ma Colombelle [sic.],
» Ma Pouponne, ma Toute-Belle,
» Si vous voulez, selon mes Vœux,
» Nous pourrons nous aimer tous deux ?

Le GALANT (ce qui tout nous grève)
Qui cajola notre MÈRE ÈVE,
Des Coquettes l’Original,
Poussait la Fleurette plus mal,
Car lors la langue était moins pure,
Et puis, comme dit l’Écriture,
Ce GALANT n’était qu’un Rampant,
En un mot qu’un pauvre Serpent.

Aussi, la moderne ANGÉLIQUE,
Sans presque faire de réplique,
Reçut d’abord civilement
Les Offres d’un si nobles Amant,
Et même, après un doux langage,
Elle osa lui donner, pour gage
De son amour et de ses Vœux,
Un Bracelet de ses cheveux,
Avec une tendre Promesse
Qu’elle serait à lui sans cesse,
Ce qu’elle signa de son Sang,
Comme un Mémoire me l’apprend.

Mais comme le susdit Mémoire
Assez loin pousse encore l’Histoire,
Que ma Lettre est remplie et qu’il est déjà tard,
Nous la continuerons, chers Lecteurs, autre part.

La suite (et fin) de l'histoire se donne à voir dans la lettre du 23 août par le même Robinet :

Ne sachant autre nouveauté
Digne de curiosité,
Reprenons sur notre Tablette
Le reste de l’HISTORIETTE
Que nous laissâmes l’autre jour,
Notre Papier se trouvant cour.

Quand donc notre MÉDOR moderne,
Ce beau Courtisan de l’Averne,
De sa Chère AMANTE eût reçu
Le GAGE que vous avez su,
Dedans le moment il la quitte,
Et tous joyeux retourna vite
Conter son Exploit amoureux
À ses Compagnons ténébreux.

Mais très peu dura sa Victoire,
Car, pour achever cette Histoire,
AMGÉLIQUE, après son départ,
Se repentant, plus tôt que tard,
Pleine d’angoisse et de détresse,
Alla promptement à Confesse,
Et, comme on sut l’Événement,
L’on conjura si fortement
MONSIEUR l’AMANT DIABOLIQUE,
De la part de son ANGÉLIQUE,
Qu’enfin, non pas sans maints regrets,
Il rapporta trois jours après
Et les Cheveux et la Cédule
Dans une Chapelle ou Cellule
Des Capucins, ce m’a-t-on dit,
Les jetant même par dépit
En présence de sa Maîtresse,
Laquelle en eut grande allégresse,
D’un bon Homme, son Confesseur,
Qui n’en eut pas moins joie au Cœur,
De quelques Dames de la Ville,
Et du Gardien, Père habile,
Qui porta le tout, louant Dieu,
Chez l’Évêque du susdit Lieu,
Ou des Cheveux de la promesse
On fit un grand Feu d’allégresse.
Voilà très historiquement
Le détail de l’Événement.




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