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La faiblesse humaine


"Nous ne sommes pas les seuls, comme vous savez, qui tâchons à nous prévaloir de la faiblesse humaine. "
L'Amour médecin, III, 1

"Mais enfin, mon frère, il y a des gens aussi sages et aussi habiles que vous; et nous voyons que dans la maladie tout le monde a recours aux médecins. - C'est une marque de la faiblesse humaine, et non pas de la vérité de leur art."
Le Malade imaginaire, III, 3

"C'est ainsi qu'il faut profiter des faiblesses des hommes, et qu'un sage esprit s'accommode aux vices de son siècle. "
Don Juan ou le Festin de pierre, V, 2

Le rôle de la "faiblesse humaine" dans les croyances est mis en évidence au sein du chapitre "De la faiblesse" du traité De la sagesse (1601) de Pierre Charron :

Si l'homme est faible à la vertu, comme il vient d'être montré, il l'est encore plus à la vérité. C' est chose étrange, l'homme désire naturellement savoir la vérité, et pour y parvenir remue toutes choses : néanmoins il ne la peut souffrir, quand elle se présente [...] Les deux principaux moyens qu'il emploie pour parvenir à la connaissance de la vérité, sont la raison et l'expérience. Or tous deux sont si faibles et incertains (bien que l'expérience beaucoup plus), que n'en pouvons rien tirer de certain. La raison a tant de formes, est tant ployable, ondoyante, comme sera dit amplement en son lieu. L'expérience n' en a pas moins [...] Tout ce dessus monstre combien est grande la faiblesse humaine au bien, à la vertu, et à la vérité.
(éd. de 1797, p. 24-25)

Ainsi que dans L'Abrégé de la philosophie de Gassendi (1678) de Bernier :

Or ce n'est pas sans raison qu'Epicure recommande tant qu'on ne reconnaisse pas la fortune comme quelque déesse ; car la faiblesse des hommes est telle, que non seulement ils admirent tout ce qu'ils n' entendent point, mais qu'ils le croient même comme quelque chose de divin, et au-dessus de la nature, en sorte qu'ayant vu que la fortune tantôt était favorable, et tantôt contraire, ils l' ont adorée sous diverses représentations, et lui ont érigé des temples sous ces différents titres.
(t. VIII, p. 499)

Un texte manuscrit des portefeuilles Vallant, recueillant l'opinion de la marquise de Sablé (1598-1678) sur la médecine ("Discours de Madame contre les médecins") développe la même idée :

Je ne m'étonne pas que l'on fasse si peu de considération sur l'abus qui est aujourd'hui dans la médecine, encore que tout le monde aime si fort sa vie et sa santé; car, comme il y en a bien peu qui tendent bien droit où ils veulent aller, il n'est pas étrange que l'erreur de l'esprit, le peu de connaissance et la créance que l'on a aux médecins, qui promettent tout, fassent que l'on s'abandonne à eux, ou sans examiner, ou en examinant mal une chose si importante qu'est la conservation de la vie.
(N. Ivanoff, La Marquise de Sablé et son salon, 1927, p. 109)

Le passage du Discours pour montrer que les doutes de la philosophie sont de grand usage dans les sciences (1669) de La Mothe le Vayer se clôt par la remarque suivante :

Certes nous pouvons bien finir ce propos par ce qui commence la première des satires de Perse
O curas hominum ! o quantum est in rebus inane !
Que les pensées des hommes sont peu solides ! que leurs raisonnements ont de vide ! et que la plus grande partie de toutes leurs actions sont ridicules !
(éd. des Oeuvres de 1756, V, 2, p. 69)

Dans son traité Of the Proficiency and Advancement of Learning (1605), Francis Bacon affirme que le rapport des humains à la médecine est conditionné par la "faiblesse humaine" :

Nous voyons que la faiblesse et que la croyance des hommes est telle qu'ils préféreront souvent un charlatan ou un sorcier à un savant médecin ; et partant les poètes voyaient bien clair en discernant cette extrême folie, quand ils ont fait Esculape et Circé frère et soeur, tous deux enfants du Soleil, comme il appert en ces vers :
Ipse repertorem medicinae talis et artis
Fulmine Phoebigenam stigias detrusit ad undas

Et encore :

Dives in accesos, ubi solis filia lucos.

Car en tous temps, selon l'opinion du vulgaire, les sorciers, les vieilles femmes et les imposteurs ont été toujours en compétition avec les médecins. Et que s'ensuit-il ? Ce que les médecins se disent à eux-mêmes, comme Salomon exprime sur une plus haute occasion :
S'il m'arrive comme il arrive aux fols, pourquoi me travaillerai-je d'être plus sage ?
(Les Progrès et avancement aux sciences divines et humaines, 1623, p. 317-318)




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