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La façon de recevoir la chose


"[...] enfin tout le mal, quoi que le monde glose,
N'est que dans la façon de recevoir la chose."
L'Ecole des femmes, IV, 8 (v. 1248-1249)

L'idée, déjà formulée dans Le Cocu imaginaire ("un chagrin qui n'a nul fondement"), avait été développée par La Mothe le Vayer dans sa Prose chagrine (1661) (1) et auparavant dans le "petit traité" "Des adversités" (Opuscules ou Petits Traités (1644) (2).

Elle est appliquée à la question particulière du mariage dans le dialogue "Du mariage" du recueil des Cinq dialogues faits à l'imitation des Anciens (s. d.) (3)

On la trouve aussi dans la Célinte (1661) de Madeleine de Scudéry (4).

Une idée similaire est formulée dans la "Morale d'Epictète", dans Les Morales de Plutarque, Sénèque, Socrate, et Epictète publiées en 1655 (5), ainsi que dans la traduction du Manuel d'Epictète que procure Gilles Boileau au sein de son traité de La Vie d'Épictète et l'Enchiridion, ou l'Abrégé de sa philosophie (1655) (6).

Dans L'Ecole des maris, Ariste disait à Sganarelle : "doucement il faut boire la chose".


(1)

A bien prendre, il n'y a point de temps ou d'accident qui nous puisse rendre misérable, si notre esprit n'y consent. Or le mien commence à se révolter contre un chagrin si longtemps continué, et au lieu d'exagérer tous les maux et toutes les fâcheuses conditions de la vie comme faisait Cratès, pour en donner de l'aversion, il aime mieux en considérer tous les avantages et tous les contentements, à la façon de Métrodore, afin de la rendre plus agréable, ou du moins plus tolérable.
(Prose chagrine, éd. de 1756, III, 1, p. 369)

-- (2)

Ce qui importe le plus, c'est de s'accommoder au temps sans perdre courage, de tourner doucement son tonneau selon le vent, à la façon de Diogène, et d'imiter les bonnes lames qui ploient sans rompre.
(éd. des Oeuvres de 1756, II, 2, p. 394)

--

(3)

Vos raisons si différentes me confirment en l'opinion que j'ai toujours eue, qu'il était à peu près du mariage comme des autres conditions de la vie, qui nous réussissent faciles, ou importunes, selon que la fortune, ou notre adresse et bonne conduite nous permet d'en bien ou mal user. Car comme je n'improuve pas le mot de rencontre, dont on se sert ordinairement sur ce sujet, quand nous disons que quelqu'un a rencontré un bon parti, pour ce que le hasard y contribue souvent beaucoup ; aussi est-il fort certain que nous sommes ici, comme quasi toujours ailleurs, les propres artisans de notre bonheur ou malheur, en tant que nous savons nous approprier les choses avec dextérité, ou nous accommoder à elles avec facilité, et souplesse.
(Cinq dialogues faits à l'imitation des Anciens (s.d.), "Du mariage", p. 361-362)

(4)

La véritable sagesse consiste à s'accommoder aux événements et à ne résister pas à la fortune, qui aussi bien nous entraîne malgré nous ; c'est pourquoi il faut se conformer aux ordres du destin, quels qu'ils soient, être constants dans l'exil, dans la prison, dans les maladies, et même à la vue de la mort. Enfin il faut savoir accommoder son esprit selon les temps, user bien de la bonne fortune quand elle se présente, souffrir constamment la mauvaise, comme je l'ai déjà dit, ne chercher rien, ne rejeter rien et user également bien de tout.
(Célinte, p. 358-359)

--

(5)

La morale d’Epictète.
De toutes les choses qui sont, partie sont en notre puissance, et partie n’y sont pas. En notre puissance est l’opinion, l’effort, le désir, la fuite ; et en un mot, toutes les choses qui sont nos œuvres. Les choses qui ne sont pas en notre puissance sont le corps, la possession, la gloire, la dignité, et en un mot, toutes les choses qui ne sont point nos œuvres.
(Les Morales de Plutarque, Sénèque, Socrate, et Epictète, Paris, Henri le Gras, 1655, p.1-2)

Comment il se faut gouverner en toute chose fâcheuse. Chapitre IV.
[…] Epluche la chose, et l’examine par ces règles que tu as : Et principalement par cette première, à savoir si cette chose est de celles qui sont en notre pouvoir, ou de celles qui n’y sont pas. Que si elle est de celles qui ne sont pas en notre pouvoir, dis aussitôt : cela ne me touche point.
(Ibid., p.4)

Ce ne sont point les choses mêmes qui fâchent, mais l’opinion que l’on a des choses.
( Ibid., p. 8)

(6)

Lorsqu'il se présentera quelque objet fâcheux, accoutumez-vous à dire en vous-même, qu'il n'est pas tel qu'il paraît, et que ce n'est qu'une pure imagination. Quand vous aurez fait cette réflexion, examinez ce que ce peut être, et servez-vous des règles que vous avez pour cela. Considérez si c'est quelque chose qui dépende de vous, car autrement si elle n'en dépend pas, dites d'abord qu'elle ne vous touche point.
(p. 77-78)




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