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La Gazette d'Amsterdam, 9 mars 1673


Le sieur de Molière est mort, comme vous avez déjà su, mais si subitement qu'il n'a presque pas eu le loisir d'être malade ; il venait de jouer sa comédie nouvelle du Malade imaginaire en présence de toute la Cour et de plusieurs étrangers de la haute qualité, qu'il ravit en admiration ; mais pour satisfaire tant d'illustres spectateurs, il fit tant d'efforts dans cette représentation qui n'était que la quatrième de cette nouvelle pièce, que deux heures après il mourut. On ne s'entretient maintenant ici que de sa mort, et le Roi en a témoigné beaucoup de regret aussi bien que toute la Cour; la beauté de ses ouvrages et sa manière de les représenter lui avait attiré beaucoup d'admirateurs pendant sa vie, et il y a peu de personnes qui ne regrettent sa mort, excepté les Tartuffes et les hypocrites vicieux, dont il a si artificieusement découvert et publié les intrigues ; les médecins même, qu'il avait si spirituellement joués, ont témoigné du déplaisir de ce qu'il est parti de ce monde sans leurs ordres. Il fut enterré le 21 du passé à Saint-Eustache sa paroisse à neuf heures du soir, pour éviter la foule incroyable de peuple qui se serait trouve à son convoi, si on l'eût fait de jour, cela n'empêche pas qu'il ne fût beau, quoiqu'on n'eût pas fait de semonce, et qu'outre huit prêtres et plusieurs enfants de la Trinité, il n'y eût 7 ou 800 autres personnes, suivies d'autant ou plus de pauvres, à qui on fit l'aumône que cet illustre défunt leur avait ordonnée un moment avant que d'expirer.
(numérisé à partir de G. Mongrédien, Recueil des documents du XVIIe siècle relatifs à Molière, éd. du CNRS, 1965, t. II, p. 478).




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