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La Gazette, 21 juillet 1668


La Gazette, 21 juillet 1668


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N° 84.

GAZETTE.

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De S. Germain en Laye, le 20 Juillet 1668.
Le 19 de ce mois, Leurs Majestés, avec lesquelles étaient Monseigneur le Dauphin, Monsieur, et Madame, et tous les Seigneurs, et Dames de la Cour, s’étant rendues à Versailles, y furent diverties par l’agréable, et pompeuse Fête qui s’y préparait depuis si longtemps, et avec la magnificence digne du plus grand Monarque du Monde. Elle commença sur les sept heures du soir, ensuite de la Collation qui était délicieusement, préparée en l’une des Allées du Parc de ce Château, par une Comédie des mieux concertées, que représenta la Troupe du Roi, sur un superbe Théâtre, dressé dans une vaste Salle de Verdure. Cette Comédie, qui était mêlée, dans les Entre-Actes, d’une espèce d’autre Comédie en Musique, et de Ballets, ne laissa rien à souhaiter en ce premier Divertissement, auquel une seconde Collation de Fruits, et de Confitures en pyramides, fut servie aux deux côtés de ce Théâtre, et présentée à Leurs Majestés, par les Seigneurs qui étaient placés dessus : ce qui étant accompagné de quantité de Jets d’eau, fut trouvé tout à fait galant, par l’Assistance, de près de trois mille Personnes, entre lesquelles, étaient le Nonce du Pape, les Ambassadeurs qui sont ici, et les Cardinaux de Vendôme, et de Retz. De là, Leursdites Majestés passèrent en un grand Salon, aussi de Verdure, mais enrichi par dedans, d’une manière surprenante : y ayant, outre trois grands Buffets, et plusieurs autres Ornements, un Rocher au milieu, qui représentait le Parnasse, avec Apollon, et les Muses, le tout d’argent : et Leursdites Majestés soupèrent à l’entour de cette admirable Machine, avec d’autant plus de plaisir, que les Lumières la rendaient des plus brillantes, et qu’une infinité de Cascades, y formaient un très agréable murmure. À l’issue d’un si délicieux Souper, où étaient leurs Altesses Royales, avec une partie des Dames, les autres étant traitées à plusieurs Tables, dressées en diverses Allées, ainsi que les Ambassadeurs le furent, aussi, dans la Grotte, avec une merveilleuse somptuosité, Elles se rendirent en une Salle, dans le même Parc, qui n’était [page 696] pas moins enrichie par de grandes Figures, ni moins galante, par une longue Allée de Termes, d’Orangers, et de Jets d’eau, ni moins brillante, par un nombre infini de Lustres : et dans cette pompeuse Feuillée, Elles prirent le Divertissement du Bal, qui, fut aussi galant qu’on le peut imaginer en un si beau Lieu, tous les Seigneurs, et toutes les Dames, étant parés avec un éclat nonpareil. Il fut suivi, sur les deux heures après Minuit, de deux feux d’Artifice, qui par leurs surprenants effets, semèrent l’Air d’une infinité d’Étoiles : lesquelles, avec les clartés de plus de 600 Vases flamboyants, tous figurés, et la plupart de la hauteur, et en forme de Termes, qu’on avait rangés dans les Parterres, faisaient voir le Parc en feu, y produisaient un nouveau Jour, plus agréable que celui qui venait de faire place à une si belle Nuit. Leurs Majestés retournèrent ici, avec toute leur Suite, à la réserve de Monseigneur le Dauphin, qui s’y rendit le lendemain, ainsi que vous verrez plus particulièrement, dans le Détail qui vous en sera donné.

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À Paris, du Bureau d’Adresse, aux Galeries du Louvre, devant la rue Saint Thomas, le 21 Juillet 1668.
Avec Privilège.




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