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L'ongle long


"Mais, au moins, dites-moi, Madame, par quel sort,
Votre Clitandre a l'heur de vous plaire si fort ?
Sur quel fonds de mérite, et de vertu sublime,
Appuyez-vous, en lui, l'honneur de votre estime ?
Est-ce par l'ongle long, qu'il porte au petit doigt,
Qu'il s'est acquis, chez vous, l'estime où l'on le voit ?"
Le Misanthrope, II, 2, v. 475-480

Dans l'"Histoire du poète Sibus" (recueil Sercy de 1661), la pratique du poète Sibus de se laisser pousser un ongle est plaisamment rapprochée de la mode, à la cour de France, de se laisser pousser l'ongle du petit doigt :

Il alla donc loger au haut d'un grenier, et vous ne savez pas la belle invention dont il usait pour y écrire ses beaux ouvrages sans qu'il lui en coutât rien en plume, en encre ni en chandelle. Il avait l'industrie de laisser tellement croître l'ongle du doigt qui suit le pouce de la main droite qu'il le taillait et en écrivait après comme d'une plume. [...] il n'y a rien de si extraordinaire dans la longueur de ses ongles qui ne passe pour une très grande galanterie au royaume de Mangy, ou de la Chine et de Cochinchine, comme aussi parmi les naïres de la côte Malabare, où les grands ongles ne se portent que par les nobles, et où c'est une marque de roture que de les avoir courts. C'est peut-être, répliqua l'ami de Sylon, ce qui fut cause de la belle mode qui courut parmi nos godelureaux il y a quelque temps, de laisser ainsi croître l'ongle du petit doigt. Quoi qu'il en soit, repris Sylon, ce fut l'artifice dont usa Sibus pour ne point acheter de plume.
(Histoire du poète Sibus dans Recueil de pièces en prose les plus agréables de ce temps, par divers auteurs, Paris, Sercy, t. 2, 1661, reproduit dans Variétés historiques et littéraires, p. 93-95)

Dans la nouvelle de Paul Scarron Plus d'effet que de paroles, le prince de Tarente

se piquait de belles mains et s'était laissé croître l'ongle du petit doigt de la gauche jusqu'à une grandeur étonnante, ce qu'il trouvait le plus galant du monde.
(Nouvelles tragi-comiques, IV, 1655, p. 4, dans Oeuvres de Monsieur Scarron, 1737, p. 208)




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