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L'erreur populaire


"Il y en a parmi eux, qui sont eux-mêmes dans l'erreur populaire, dont ils profitent, et d'autres qui en profitent sans y être. "
Le Malade imaginaire, III, 3

La dénonciation de l''"erreur populaire" est un caractéristique de la pensée de Pierre Charron, développée dans le traité De la sagesse (1601) :

Exemption des erreurs populaires
[...]
Celui qui veut être sage doit tenir pour suspect tout ce qui plaît et est approuvé du peuple, du plus grand nombre. [...] Il faut donc, tant qu'il est possible, fuir la hantise et fréquentation du peuple, sot, impérit, mal complexionné, mais surtout se garder de ses jugements, opinions, moeurs vicieuses, et sans faire bruit tenir toujours son petit bureau à part. Quod scio non probat populus, quod probat populus ego nescio ; sapiens non respicit quid homines judicent, non it quam populus, sed ut sydera mundi contrarium iter intendunt, ita hic adversus opiniones omnium vadit
(II, 1, éd. Fayard, 1986, p. 379)

L'idée se retrouve également

Je vois fort bien, répondit Eulalie, qu’il ne faut pas prendre la voix publique pour la règle de nos sentiments dans les choses que nous pouvons connaître nous-mêmes ; qu’il est des opinions comme des modes, que l’on ne reçoit pas toujours les plus commodes ni les meilleures, mais les premières qui se présentent.
(p. 100)

Tant y a que quand la plupart du monde a une fois épousé une opinion, pour absurde qu'elle soit, et que parlant comme l'on fait au-delà des Alpes, il mondo è infinocchiato d'una opinione, sa fausseté ne la fait guère quitter ; au contraire, l'on se raidit souvent d'autant plus à la maintenir, qu'elle est déraisonnable et absolument opposée à la vérité, qui n'est ni écoutée, ni comprise par la folle et ignorante multitude ; outre qu'on s'imagine qu'il y a plus d'adresse à maintenir le faux que le vrai. La pitié est que cet entêtement est fort contagieux et qu'il fait trébucher les uns sur les autres dans la foule ceux qui en sont touchés, sans qu'ils sentent leur mal, croyant toujours au contraire n'avoir que de très bonnes pensées.
(p. 38-39}




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