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L'endurcissement au péché


"Don Juan, l'endurcissement au péché traîne une mort funeste, et les grâces du Ciel que l'on renvoie, ouvrent un chemin à sa foudre."
Don Juan ou le Festin de pierre, V, 6

La notion d'endurcissement au péché constituait un motif central

Je veux donc dire, mes frères, que l'amour de Dieu indigné par le mépris de ses grâces, appuie la main sur un cœur rebelle avec une efficace extraordinaire. L'Ecriture, toujours puissante pour exprimer fortement les œuvres de Dieu, nous explique cette efficace par une certaine joie qu'elle fait voir dans le cœur d'un Dieu pour se venger d'un ingrat. Mais chrétiens, est-il possible que cette joie de punir se trouve dans le cœur d'un Dieu, source infinie de bonté? Oui, sans doute, quand il y est forcé par l'ingratitude. Car écoutez ce que dit Moïse au chapitre XXVIII du Deutéronome : « Comme le Seigneur s'est réjoui vous accroissant, vous bénissant, vous faisant du bien, il se réjouira de la même sorte en vous ruinant, en vous ravageant, en vous accablant : » Sicut ante laetatus est Dominus super vos, bene vobis faciens vosque multiplicans, sic laetabitur disperdens vos atque subvertens. Quand son cœur s'est épanché en nous bénissant, il a suivi sa nature et son inclination bienfaisante. Mais nous l'avons contristé, mais nous avons affligé son Saint-Esprit et nous avons changé la joie de bien faire en une joie de punir; et il est juste qu'il répare la tristesse que nous avons donnée à l'Esprit de grâce (a) par une joie efficace, par un triomphe de son cœur, par un zèle de sa justice à venger notre ingratitude.
Justement, certes justement; car il sait ce qui est dû à son amour victorieux, et il ne laisse pas ainsi perdre ses grâces. Non, elles ne périssent pas, ces grâces rebutées, ces grâces dédaignées, ces grâces frustrées; il les rappelle à lui-même, il les ramasse en son propre sein, où sa justice les tourne toutes en traits pénétrants dont les cœurs ingrats sont percés. C'est là, Messieurs, cette justice dont je vous parlais tout à l'heure ; justice du Nouveau Testament , qui s'applique par le sang, par la bonté même et par les grâces infinies d'un Dieu rédempteur; justice d'autant plus terrible que tous ses coups de foudre sont des coups de grâces.
[...]
Car d'où pensez-vous que sortent les flammes qui dévorent les chrétiens ingrats? De ses autels, de ses sacrements, de ses plaies, de ce côté ouvert sur la croix pour nous être une source d'amour infini : c'est de là que sortira l'indignation; delà la juste fureur, et d'autant plus implacable qu'elle aura été détrempée dans la source même des grâces. Car il est juste et très juste que tout et les grâces mêmes tournent en amertume à un cœur ingrat. O poids des grâces rejetées, poids des bienfaits méprisés, plus insupportable que les peines mêmes; ou plutôt et pour dire mieux, accroissement infini dans les peines! Ah! mes frères, que j'appréhende que ce poids ne tombe sur vous, et qu'il n'y tombe bientôt! Et en effet, chrétiens, si la grâce refusée aggrave le poids des supplices, elle en précipite le cours.
(p. 477-478)

C'est une chose surprenante que ce grand silence de Dieu parmi les désordres du genre humain : tous les jours ses commandemens sont méprisés, ses vérités blasphémées, les droits de son empire violés; et cependant son soleil ne s'éclipse pas sur les impies; la pluie arrose leurs champs; la terre ne s'ouvre pas sous leurs pieds; il voit tout et il dissimule, il considère tout et il se tait. Je me trompe, chrétiens, il ne se tait pas; et sa bonté, ses bienfaits, son silence même est une voix publique qui invite tous les pécheurs à se convertir : mais comme nos cœurs endurcis sont sourds à de tels propos, il fait résonner une voix plus claire , une voix nette et intelligible, qui nous appelle à la pénitence.
(éd. F. Lachat, 1867, t. IX, p. 39)

Les pécheurs aveugles et mal avisés arrivent enfin par leurs désordres à l'extrémité de misère qui leur a été souvent prédite. Ils ont été assez avertis qu'ils travaillaient à leurs chaînes par l'usage licencieux de leur liberté ; qu'ils rendaient leurs passions invincibles en les flattant, et qu'ils gémiraient quelque jour de s'être engagés si avant dans la voie de perdition, qu'il ne leur serait presque plus possible de retourner sur leurs pas. Ils ont méprisé cet avis.
(p. 452)

Aveugles et endurcis, nous tombons dans un assoupissement et dans une insensibilité mortelle; et pendant que Dieu nous y abandonne par une juste punition, nous ne sentons pas sa main vengeresse, et nous croyons qu'il nous pardonne et qu'il nous épargne, Que nous sert de vivre et de subsister aux yeux des hommes, si cependant nous sommes morts, perdus devant Dieu et devant ses anges ? Pour faire mourir un arbre, il n'est pas toujours nécessaire qu'on le déracine. Voyez ce grand chêne desséché qui ne pousse plus, qui ne fleurit plus, qui n'a plus de glands ni de feuilles ; il a la mort dans le sein et dans la racine ; il n'en est pas moins ferme sur son tronc, il n'en étend pas moins ses vastes rameaux. Chrétien dont le coeur est endurci, voilà ton image. Bois aride, Dieu n'a pas encore frappé ta racine et ne t'a pas précipité de ton haut pour te jeter dans le feu ; mais il a retiré l'esprit de vie. Craignez donc, pécheur endormi, craignez le dernier endurcissement.
(t. IX, p. 109)

Ainsi Dieu a accoutumé de se venger de ses ennemis. Ils refusent de solides espérances; il les laisse séduire par mille folles prétentions : ils s'obstinent à ne vouloir point recevoir ses inspirations ; il leur pervertit le sens, il les abandonne à leurs conseils furieux ; ils s'endurcissent contre lui ; « le ciel après cela devient de fer sur leur tête : » Dabo vobis cœlum desuper sicut ferrum ; il ne leur envoie plus aucune influence de grâce.
(t. X, p. 423)

Tremblez donc, pécheurs endurcis, qui avalez l'iniquité comme l'eau, dont l'endurcissement a presque étouffé les remords de la conscience, qui depuis des années n'avez point de honte de croupir dans les mêmes ordures, et de charger des mêmes péchés les oreilles des confesseurs. Car enfin ne vous persuadez pas que Dieu vous laisse rebeller contre lui des siècles entiers. Sa miséricorde est infinie; mais ses effets ont leurs limites prescrites par sa sagesse. Elle qui a compté les étoiles, qui a borné cet univers dans une rondeur finie, qui a prescrit des bornes aux flots de la mer, a marqué la hauteur jusqu'où elle a résolu de laisser monter tes iniquités.
(p. 426)

S'il y a donc un péché dont la vertu particulière et spécifique soit d'engager le pécheur dans cette malheureuse impénitence, c'est ce que j'appelle non plus un signe, mais un principe de réprobation. Tel est le péché d'impureté : pourquoi ? parce qu'entre les péchés qui précipitent l'homme dans l'abîme de perdition, il n'y en a aucun qui semble plus éloigné de la pénitence chrétienne, et qui par conséquent, dans le cours de la Providence, soit plus irrémissible.
[...]
Par les désordres de son habitude criminelle, l'homme se fait, pour ainsi parler, à lui-même un état d'impénitence, et d'une impénitence volontaire, d'une impénitence à laquelle il ne veut pas renoncer, dont il entretient la cause, et qui lui endurcit le cœur d'autant plus dangereusement qu'elle lui est agréable et qu'elle lui plaît.
(éd. de 1708, p. 111sq)

Elle sera également abondamment exploitée dans L’Impie malheureux ou les trois malédictions du pécheur (1673) du Père Texier, :

Le plus dangereux effet de cette prospérité criminelle, c'est qu'elle rend le pécheur incorrigible, et le conduit par conséquent à l'impénitence finale. Le moyen de se corriger de ses fautes , c'est d'en être repris. Or, ces faux heureux ne sont ordinairement repris de personne, ni des hommes ni de Dieu. Pour les hommes, ils n'osent pas les reprendre, il faudrait qu'ils eussent le courage de saint Jean-Baptiste, et qu'ils se préparassent avec lui à souffrir la prison. De plus, ces grands, ces heureux sont inaccessibles aux gens de bien, ils n'assistent point ordinairement aux sermons. Voilà leur grand malheur, dit David , Laudatur peccator in desideriis animœ suce, et iniquus benedicitur (Ps. X, 3). Voyez-vous, mes frères, dit saint Augustin sur ce passage, JJeest ultor, el adest laudator. Ils trouvent mille fauteurs de leurs méchancetés, mais point de censeurs de leurs vices. Ils ne sont pas non plus repris de Dieu, d'autant que comme ils sont toujours répandus au dehors, et plongés dans les joies et les plaisirs du monde, ils n'entendent point les plaintes et les reproches que Dieu leur pourrait faire par les remords de leur conscience.
(Collection intégrale et universelle des orateurs sacrés publiés par l'abbé Migne, 1844-1866, t. VI, p. 815-816)




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