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L'amour est un grand maître


"Il le faut avouer, l'amour est un grand maître
Ce qu'on ne sut jamais il nous enseigne à l'être ;
Et souvent de nos moeurs l'absolu changement
Devient, par ses leçons, l'ouvrage d'un moment ;
De la nature, en nous, il force les obstacles,
Et ses effets soudains ont de l'air des miracles ;
D'un avare à l'instant il fait un libéral,
Un vaillant d'un poltron, un civil d'un brutal ;
Il rend agile à tout l'âme la plus pesante,
Et donne de l'esprit à la plus innocente."
L'Ecole des femmes, III, 4 (v. 900-909)

On trouve ce motif

Il sera repris dans La Mère coquette (1665) de Donneau de Visé, comédie créée par la troupe de Molière (12), ainsi que dans le roman Carmente (1666) de Mlle Desjardins (13).

Plus bas, Arnolphe accusera Agnès d'être allée à "quelque bonne école".


(1)

Il fait, prodige amoureux !
Un courtisan d'un barbare
Un libéral d'un avare,
Et d'un lâche un généreux.
(I, 6)

(2)

L'amour est un grand maître : il instruit tout d' un coup.
(Pierre Corneille, La Suite du Menteur, 1645, II, 3, v. 586)

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(3)

Amour est un grand maître et quand on aime bien,
Toute chose est facile, et l'on n'ignore rien.
(Les Amours de Diane et d'Endymion, 1657, I, 1, p. 9)

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(4)

L’amoureux s’abstient pour le respect de la personne qu’il aime de tout ce qui la pourrait offenser, et se retranche de tous les vices opposés aux vertus qu’elle estime. Sa prudence, bien qu’il ne la faille pas étendre au delà de celle que l’amour en veut pour la conservation de son objet, lui enseigne la discrétion et le silence qui lui défend de découvrir ses amourettes et lui apprend les moyens de les acquérir et conserver. L’amour ouvre la bourse des plus avaricieux, délie la langue des moins éloquents, et les rend diserts, et apprend la civilité aux plus stupides et lourdaux.
(Recueil général des questions traitées et conférences du bureau d'adresse, Paris, Champhoudry, 1655, t. V, p. 68-69)

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(5)

DRIONICE .
Puisque l'esprit est si nécessaire qu'on ne saurait s'en passer, dites-moi donc ce qu'il faut faire pour en avoir [...]

ALCIPPE :
Il faut seulement aimer de bonne heure, et le plus tôt qu'on peut, c'est assurément le meilleur.
[...] Aimez seulement, et ne vous mettez point en peine ; car si vous vous adressez comme il faut, vous deviendrez en peu de temps une des plus spirituelles et des plus agréables personnes du monde.
(Recueil de pièces en prose les plus agréables de ce temps, Paris, Sercy, IIIe partie, 1660, p. 97-98)

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(6)

Voilà le cher objet de ma passion !
La ruse a réussi, l’amour est un grand maître.
(Dorimond, La femme industrieuse, scène 9, v. 300-301)

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(7)

Vous me faites plaisir, Margoton, de me demander des romans, mais vous m’en feriez davantage de me dire que vous voulez les lire pour apprendre à aimer, que pour apprendre à parler et à écrire. Quand vous parleriez, et que vous écririez avec autant de politesse que Mademoiselle de Scudéry, vous seriez toujours à mon gré fort imparfaite, si vous ne saviez aimer avec autant d’ardeur que moi. Lorsque vous saurez aimer, vous saurez parler et écrire : il n’est point de si grand maître que l’amour. Pour peu qu’on écoute ses leçons, l’esprit se purifie, et devient capable de toutes les belles choses.
(René Le Pays, Amitiés, amours et amourettes, ou Lettres galantes [1664], Livre II, Lettre 4, éd. de 1705, p. 107).

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(8)

L’amour aiguise l’esprit et apprend aux amants des choses merveilleuses.
(Maximes d’amour, Paris, C. Barbin, 1666, p. 18)

(9)

Maître ne sait meilleur pour enseigner
Que Cupidon; l'âme la moins subtile
Sous sa férule apprend plus en un jour
Q'un maître ès arts en dix ans aux écoles.
Au plus grossiers par un chemin bien court,
Il sait montrer les tours et les paroles.

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(10)

S'il peut y avoir de l'amour sans esprit, au moins sur le chapitre d'aimer ?
- Puisque l'amour est l'esprit de l'âme, il est certain qu'il est toujours non seulement fin, mis délicat en soi, à proportion de ce qui l'anime.

Si l'amour peut s'accorder avec la prudence ?
- De même que l'amour donne de l'esprit aux plus stupides, les sages lui peuvent donner de la prudence, quelque étourdi qu'il soit lui-même.
(Questions d'amour ou conversations galantes dédiées aux belles, 1671, p. 20)

-- (11)

Mais comme cette satisfaction nous attirait à toute heure des disgrâces, nous nous contraignions dans cet innocent plaisir ; et chacun de nous avait des ménagements pour ce qu'il aimait, qu'il n'aurait pas eus pour lui-même.
Que l'amour est un grand maître ! N'osant nous parler, nous nous avisâmes de nous écrire ce que nous pensions. L'amour nous guidait la main : car jusque là nous n'avions point eu de maîtres.
(éd. de 1720? p. 472)

(12)

Ce fuit lui qui prit soin de former notre esprit,
On est bientôt savant, quand l'amour nous instruit.
(La Mère coquette, II, 4, p. 38)

-- (13)

Ardélie , poursuivis-je, en la regardant fixement, oserait-on vous demander qui vous a rendu si savante en poésie ? – J'y sais fort peu de chose, reprit-elle toute interdite, mais toute médiocre qu'est ma science, elle est le fruit de vos leçons. – Ah ! m'écriai-je, mes leçons n'ont point de part à tout ce que j'ai vu. L'amour seul a été votre maître, et c'est à Timoléon que vous devez l'art de faire des vers et non pas à Théocrite.
(éd. des Oeuvres de 1720, p. 185)




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