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Jamais les âmes bien saines ne se paient de rigueur
- "Pauvres amants, quelle erreur
- D'adorer des inhumaines ?
- Jamais les âmes bien saines
- Ne se payent de rigueur ;
- Et les faveurs sont les chaînes
- Qui doivent lier un cœur."
- Le Sicilien, scène II
Ce motif, qui s'oppose à la conception traditionnelle qui veut qu'un amant se soumette absolument à sa maîtresse (voir "tout ce qu'il vous plaira"), se rencontre aussi
- dans une chanson recueillie dans la Comédie de chansons (1640) (1)
- dans la Ve partie du recueil de Sercy (Pièces choisies de Messieurs Corneille, Benserade..., 1660) (2)
- dans L’Ecole d’amour ou les héros docteurs (1665) (3).
Dans Le Misanthrope, Acaste récusait déjà le principe de la soumission masculine en matière amoureuse ("de justes balances").
(1)
- ALIDOR
- Quoi que l'on me puisse dire
- [...]
- Je serai plutôt las de vivre
- Que d'aimer et de suivre
- Les plaisirs de l'amour.
- [...]
- JODELET
- Bien que d'une beauté le pouvoir soit extrême,
- Qu'elle puisse les Dieux et les hommes charmer,
- Je ne le cèle point, ma foi si l'on ne m'aime,
- Je ne saurais aimer.
- [...]
- Je suis ferme et constant autant que ce que j'aime
- Est constant à m'aimer.
- Ces folles passions qui rendent le teint blême,
- Où l'amant non aimé voit ses jours consumer,
- Je n'en suis point atteint, ma foi si l'on ne m'aime,
- Je ne saurais aimer.
- [...]
- ALIDOR
- Vive le bocage, vive l'amour du berger,
- Vive le servage.
- JODELET
- Vive le bocage, vive l'amour d'un berger,
- Qui fuit le servage.
- (La Comédie de chansons, I, 1, p. 1-5)
(2)
- Le plus grand amour sans faveur
- Pour un homme de mon humeur
- Est un assez triste partage.
- Je cède à mes rivaux cet inutile bien
- Et qui me donne un cœur, sans donner davantage
- M'obligerait bien plus de ne me donner rien.
- (Recueil de Sercy, V, p. 95)
(3)
- Loin ces ridicules amants
- Desquels le cœur toujours soupire,
- Qui ne parlent que de martyre,
- De souffrances, et de tourments :
- Moquons-nous de ces politiques,
- Et laissons ces mélancoliques
- Pour imiter mon père Hilas,
- Laissons tout à loisir répandre
- Des larmes au berger Silvandre,
- Et pousser maints et maints hélas.
- Cette vieille façon d’aimer
- Dès longtemps n’est plus à la mode,
- La nouvelle est bien plus commode,
- On aime sans tant s’alarmer,
- On ne verse jamais de larmes,
- Et l’on ne se sert d’autres armes
- Pour combattre tous ses rivaux,
- Que de sonnets ou d’épigrammes
- De bouts-rimés, ou d’anagrammes,
- De satires ou de rondeaux.
- (L’Ecole d’amour ou les héros docteurs, par M.D.L.C [Jacques Alluis], Grenoble, Robert Philippes, 1665, p. 39-41)
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