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J'ai vu trop de merveilles


Je n'en puis plus, ma sœur, j'ai vu trop de merveilles,
L'avenir aura peine à les bien concevoir,
Le soleil qui voit tout, et qui nous fait tout voir,
N'en a vu jamais de pareilles.
Elles me chagrinent l'esprit,
Et ce brillant palais, ce pompeux équipage,
Font un odieux étalage
Qui m'accable de honte autant que de dépit.
Psyché, acte IV, scène 1, vv. 1278-1285.

Les deux sœurs manifestent une réaction semblable à la suite de leur premier voyage

"En orba et saeua et iniqua Fortuna! Hocine tibi complacuit, ut utroque parente prognatae germanae diuersam sortem sustineremus? Et nos quidem, quae natu maiores sumus, maritis aduenis ancillae deditae extorres et lare et ipsa patria degamus longe parentum uelut exulantes, haec autem nouissima, quam fetu satiante postremus partus effudit, tantis opibus et deo marito potita sit, quae nec uti recte tanta bonorum copia nouit? Vidisti, soror, quanta in domo iacent et qualia monilia, quae praenitent uestes, quae splendicant gemmae, quantum praeterea passim calcatur aurum. Quodsi maritum etiam tam formonsum tenet ut affirmat, nulla nunc in orbe toto felicior uiuit.
(V, 9-10)

"Ha Fortune aveugle, inique et cruelle (ce vient enfin à dire l’une) as-tu bien eu le courage de nous faire subir plusieurs conditions, attendu que nous sommes filles de même père et mère : et que nous qui tenons l’aînesse sur l’autre, nous as données pour chambrières à des maris étrangers, vivant loin de nos parents comme bannies et de la maison et du pays : et cette cadette qu’une dernière ventrée, la matrice se lassant de plus porter, a produit en lumière, soit Dame de tant de biens, et femme d’un Dieu, sans avoir l’industrie de bien faire son profit d’une si grande richesse ? Vous avez vu ma sœur, quels biens il y a dans cette maison-là, le lustre des habits, l’éclat des bagues et pierres précieuses, et que partout on y foule l’or aux pieds ; Que si son époux est si beau comme elle se vante, il n’y a pour le jourd’hui femme au monde plus heureuse qu’elle."
(traduction Jean de Montlyard, édition de 1648, pp.136-139)

Ses soeurs soupiraient à la vue de ces objets ; c'étaient autant de serpents qui leur rongeaient l'âme. Au sortir de cet arsenal, elles furent menées dans les chambres, puis dans les jardins ; et partout elles avalaient un nouveau poison.




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