Content-Type: text/html; charset=UTF-8

J'ai l'honneur en recommandation


" Aussi vrai, Monsieur, je ne sais comment faire quand vous parlez, ce que vous dites me fait aise, et j'aurais toutes les envies du monde de vous croire, mais on m'a toujou dit, qu'il ne faut jamais croire les Monsieux, et que vous autres courtisans êtes des enjoleus, qui ne songez qu'à abuser les filles. - Je ne suis pas de ces gens-là. - Il n'a garde. - Voyez-vous, Monsieur, il n'y a pas plaisir à se laisser abuser, je suis une pauvre paysanne, mais j'ai l'honneur en recommandation, et j'aimerais mieux me voir morte que de me voir déshonorée."
Don Juan ou le Festin de pierre, II, 2

La bergère manifeste la même méfiance à l'égard des propositions de Don Juan


(1)

AMARANTE
Vous n'êtes pas pour moi, je ne suis pas pour vous:
Vous êtes de la cour et je suis du village.
On ne me peut avoir que par le mariage.
Quoique pauvre, Monsieur, je suis fille d'honneur,
Et je n'écoute point un discours suborneur.

DOM JOUAN
Ah ! mon dessein est juste, et si tu veux m'entendre,
Tu verras qu'avec moi tu pourras tout prétendre.
Oui, si tu veux m'aimer, pas plus tard que demain
Tu recevras ma foi, ma franchise et ma main.
Ne t'en étonne point : ton charme a la puissance
De ranger un monarque à ton obéissance.

AMARANTE
Quoi ! vous qui possédez tant de perfection,
Qui des dames de cour gagnez l'affection,
Voudriez-vous bien de moi ?

DOM JOUAN
Oui, puisque je t'estime.

BRIGUELLE
La pauvrette ! Il la tient ; il en aura la dîme.

DOM JOUAN
Je n'aime point la cour : son faste et sa beauté
N'ont rien qui plaise au prix de ta simplicité.
Les dames qu'on y voit n'ont ni charmes ni grâce
Que le plus faible éclat de ta beauté n'efface.
Et puis, celles qu'on croit avoir quelques appas
Les empruntent du fard et n'en possèdent pas.
Mais ta beauté champêtre est toute naturelle,
Et son brillant éclat ne l'emprunte que d'elle.
Enfin, je te préfère à l'objet le plus doux,
Et, si tu veux, dans peu je serai ton époux.

AMARANTE
Monsieur, votre discours est si rempli de charmes
Qu'il faut vous avouer que je vous rends les armes.
(IV, 3)

(2)

Non mi sdegnar crudel, perch'io mi sia
Pescatrice servile,
Che onestà verginale
Avien, che tanto saglia
Che ad alte reggie, umil capanne aguaglia.
(II, 2, éd. S. Carandini et L. Mariti, Roma, Bulzoni, 2003, p. 488)




Sommaire | Index | Accès rédacteurs