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J'ai ce soufflet fort sur le coeur


" Seigneur, j'ai reçu un soufflet: vous savez ce qu'est un soufflet, lorsqu'il se donne, à main ouverte, sur le beau milieu de la joue. J'ai ce soufflet fort sur le cœur; et je suis dans l'incertitude, si pour me venger de l'affront, je dois me battre avec mon homme; ou bien le faire assassiner."
Le Sicilien ou l'Amour peintre, sc. XII

Le soufflet est présenté comme une insulte légère n'engageant pas le point d'honneur


(1)

Quoi cinq doigts mis sur une face,
Doivent-ils être un affront tel,
Qu'il faille pour cela qu'on fasse,
Appeler un homme en duel ?
[...]
Pour toi ne t'en veux tu pas battre,
Toi qu'un soufflet choque si fort
Que tu t'en fais tenir à quatre,
Un souffleté vaut bien un mort ?
[...]
Puisque soufflet les déshonorent,
Ou les hommes sont insensés,
Ou Messieurs les vivants ignorent,
Quels sont messieurs les trépassés.
(Scarron, Jodelet ou le Maître valet, IV, 2, p. 75-76)

(2)

Mais pour de légères insultes qu’une personne croira qu’on aura fait à son honneur, et qu’elle qualifie d’affront, aucune loi ne les regardent comme de véritables injures.
Et c’est ce que notre Seigneur désigne en un sens par le précepte où il ordonne que si quelqu’un nous donne un soufflet sur la joue droite, nous lui présentions encore l’autre. :Ce bon maître prend pour nous enseigner la patience chrétienne l’exemple d’un soufflet qui n’attaque pas la vie ni n’estropie pas la personne, mais qui est seulement un témoignage de quelque mépris qui ne nous amoindrit en aucune chose. Avec cela si nous voulons en appeler à la raison, nous trouverons ou que ce soufflet est donné avec quelque fondement, ou sans fondement.
Un homme fera grand bruit, par exemple, d’un soufflet qu’on lui aura donné, et il ne dira pas qu’il avait appelé l’autre coquin, c’est-à-dire infâme selon le sens qu’on lui donne. Que si comme un juge équitabl, ainsi que tout homme qui en veut punir un autre doit être, il pesait l’injure qu’il a faite avec celle qu’il a reçue, il verrait qu’il en doit de reste à celui dont il croit être offensé […].
Nous avons un exemple signalé de la modération d’un homme de qualité, qui ayant dit une injure fort piquante à une personne de moindre condition, reçut un soufflet de cet inférieur : mais supporta tout grand seigneur qu’il était, ce châtiment avec une patience si héroïque qu’il en édifia les plus emportés, et particulièrement parce qu’il passait pour un des braves du siècle. Il se condamna lui-mêmen et comme il s’était exposé à cette indignité, il ne fut point surpris qu’elle lui arrivât. Bien plus, son équité et la grandeur de son âme ne s’étant jamais démentie, on n’a point remarqué qu’il eut gardé le moindre ressentiment de cette action […].
Que si le soufflet est donné injustement, c’est comme si une tuile était tombée sur la tête. Cela est fâcheux, disait Socrate à qui on avait donné un soufflet, de ne savoir pas quand on doit aller armé, et son pot ou son casque à la tête, faisant voir par là l’état qu’il faisait d’un soufflet. La confusion où doit être celui qui l’a donné d’avoir ainsi manifesté sa brutalité, lui est un assez grand châtiment, comme d’autre côté l’honneur qu’a l’offensé de témoigner en cette rencontre qu’il a l’âme élevée et chrétienne, lui doit tenir lieu d’une assez glorieuse réparation, sans qu’il passe à aucune voie de fait.
(A. Courtin, Suite de la civilité française ou traité du point d’honneur, Chapitre 5, "De la vengeance", article 4, "De quelles injures la vengeance est soufferte", p.186- 188)




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