Content-Type: text/html; charset=UTF-8

Ils ne peuvent souffrir


"Huit jours après qu'elle eut été défendue, on représenta devant la Cour une pièce intitulée Scaramouche ermite ; et le roi, en sortant, dit au grand prince que je veux dire: « Je voudrais bien savoir pourquoi les gens qui se scandalisent si fort de la comédie de Molière ne disent mot de celle de Scaramouche »; à quoi le prince répondit: « La raison de cela, c'est que la comédie de Scaramouche joue le ciel et la religion, dont ces messieurs-là ne se soucient point; mais celle de Molière les joue eux-mêmes; c'est ce qu'ils ne peuvent souffrir."
Le Tartuffe, préface

"Quelque mine qu'ils fassent, ce n'est point du tout l'intérêt de Dieu qui les peut émouvoir; ils l'ont assez montré dans les comédies qu'ils ont souffert qu'on ait jouées tant de fois en public sans en dire le moindre mot. Celles-là n'attaquaient que la piété et la religion, dont ils se soucient fort peu mais celle-ci les attaque et les joue eux-mêmes, et c'est ce qu'ils ne peuvent souffrir."
Le Tartuffe, Second Placet

La distinction avait déjà été établie par Boileau dans le "Discours au Roi", qui ouvre le recueil des Satires de Monsieur D***, publiées en 1669 :

Mais bien que d'un faux zèle ils marquent leur faiblesse
Chacun voit qu'en effet la vérité les blesse,
En vain, d'un lâche orgueil leur esprit revêtu
Se couvre du manteau d'une austère vertu;
Leur coeur, qui se connaît, et qui fuit la lumière
S'il se moque de Dieu, craint Tartuffe et Molière.
(p. 5)

L'anecdote sera reprise dans une des lettres de Madame de Sévigné :

J'ai tort, ma bonne, en vérité, c'est moi qui suis hérétique; j'offense les jésuites, et vous n'attaquez que le baptême : il n'y a point de comparaison. Vous souvient- il quand on défendait Tartuffe et qu'on jouait publiquement Le Festin de Pierre, et de ce que dit Monsieur le Prince? c'est que l'une ne voulait renverser que la religion, mais l'autre offensait les dévots : a l'applicazione, Signora.
(Lettre du 6 août 1680)




Sommaire | Index | Accès rédacteurs