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Il se souvient du bien


"[...] jamais le mérite, avec lui, ne perd rien,
[...] mieux que du mal, il se souvient du bien."
Le Tartuffe, V, 7, v. 1941-1942

La question, qui touche aux problèmes que posent "les services que nous rend une main ennemie", est traitée au long dans la lettre LXXXI de Sénèque (1)

Elle est reprise par La Mothe le Vayer dans le petit traité "De l'ingratitude" (Opuscules ou Petits Traités (1647) (2)


(1)

Sed ne in eadem quae satis scrutati sumus revolvamur, in hac comparatione beneficii et iniuriae vir bonus iudicabit quidem quod erit aequissimum, sed beneficio favebit; in hanc erit partem proclivior. Plurimum autem momenti persona solet adferre in rebus eiusmodi: 'dedisti mihi beneficium in servo, iniuriam fecisti in patre; servasti mihi filium, sed patrem abstulisti'. Alia deinceps per quae procedit omnis conlatio prosequetur, et si pusillum erit quod intersit, dissimulabit; etiam si multum fuerit, sed si id donari salva pietate ac fide poterit, remittet, id est si ad ipsum tota pertinebit iniuria. Summa rei haec est: facilis erit in commutando; patietur plus inputari sibi; invitus beneficium per compensationem iniuriae solvet; in hanc partem inclinabit, huc verget, ut cupiat debere gratiam, cupiat referre.

Mais sans retourner à des choses que nous avons assez épluchées, concluons, Qu’un homme de bien, quand il sera question de faire comparaison d’un bienfait et d’une injure, jugera ce qu’il estimera plus équitable ; mais s’il y a du doute, il penchera du côté du bienfait. Or en telles choses la considération de la personne est quelquefois de grande importance. Vous m’avez fait plaisir en la personne de mon valet, et m’avez fait injure en celle de mon père. Vous avez sauvé la vie à mon fils, mais vous m’avez fait perdre mon père. Il balance de cette façon toutes les autres choses ; et où l’intérêt sera petit, il le dissimulera ; où il sera grand, il le quittera, s’il le peut faire en bonne conscience, c’est à dire si l’injure ne touche point d’autre que lui. Enfin il ne sera point difficile au change, s’il y a de la perte, il la prendra sur lui. Il s’efforcera de rendre le bien pour le mal ; et quoi que la passion lui persuade, il prendra ce parti plutôt que nul autre.
(Sénèque, Epître LXXXI, dans Les Œuvres de Sénèque, […] continuées par Pierre Du Ryer, Paris, Sommaville, 1659, t.I, p. 483-486)

(2)

Car, outre l'obligation générale de pardonner aux injures, n'est-il pas du devoir d'une âme bien née et reconnaissante d'imprimer plus avant dans sa mémoire le bienfait que l'offense ? D'ailleurs, vu que l'obligation est ancienne, il y faut satisfaire, puis on avisera au reste.
(éd. des Oeuvres de 1756, p. 72-74) (source : R. McBride, The Sceptical Vision of Moliere, 1978, p. 96-7)




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