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Il se pique ordinairement de galanterie


"J'ai un certain valet nommé Mascarille [...] Il se pique ordinairement de galanterie et de vers"
Les Précieuses ridicules, sc. I

Les prétentions que La Grange attribue à Mascarille correspondent aux capacités dont se targue Philippin dans L'Héritier ridicule ou la Dame intéressée (1650) de Paul Scarron :

Vous savez qu'à la Cour on ne me connaît guère
Que je parle un langage étonnant le vulgaire,
Et qu'ayant autrefois appris quelque latin,
Je sais, quoique laquais, dire sort et destin,
Parler Phoebus, écrire en vers ainsi qu'en prose,
Appliquer bien ou mal une métamorphose.
(II, 5, p. 51)

L'expression "se piquer de" passait pour être à la mode depuis le second quart du siècle au moins. Charles Sorel la désignait comme telle au Livre V de son Francion (1622) :

Je lui contai comme j'avais remarqué la sottise étrange qu'ils faisaient paraître, usant à tous coups de sept ou huit mots affectés entre eux, et qu'ils croyaient s'être montrés bien habiles hommes quand ils disaient : "[...] vous vous piquez de jouer du luth et de faire l'amour".

Une remarque non publiée de Vaugelas (1647) indique qu'elle est en usage à la cour :

Je ne voudrais pas écrire pour rien au monde il se pique de bravoure, qui est une façon de parler de nos courtisans [...] ni je ne voudrais jamais écrire il se pique de chanter ou de faire des vers mieux que personne du monde (1)

Dans les années 1650, on la retrouve fréquemment utilisée aussi bien chez les burlesques :

S'il s'y rencontre un ignorant,
Qui se pique d'être savant
Faudra-t-il comme patenôtres
Enfiler en son rang les autres ?
(Colletet, Juvénal burlesque, Paris, David, 1657, p. 6)

Que dans le roman de La Précieuse (1656-1658) de l'abbé de Pure :

je connais un jeune homme assez ingénieux et éclairé, qui même se pique d'esprit, et de cet esprit galant qui voit le monde.
(éd. Magne, Paris, Droz, 1938, t. , p. 370)


(1) source : F. Brunot, Histoire de la langue française, Paris, Armand Colin, 1922, III, 1, p. 68.




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