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Il lui serre le bout des doigts


"Il lui serre le bout des doigts"
Le Tartuffe, III, 3 (v. 913)

Un amoureux ridicule dans La Veuve ou le Traître trahi (1634) de Pierre Corneille se comporte d'une manière semblable :

Il m'aborde en tremblant avec ce compliment,
Vous m'attirez à vous ainsi que fait l'Aimant,
(Il pensait m'avoir dit le meilleur mot du monde)
Entendant ce haut style aussitôt je seconde
Et réponds brusquement sans beaucoup m'émouvoir,
Vous êtes donc de fer à ce que je puis voir.
Après cette réponse, il eut don de silence,
Surpris (comme je crois) par quelque défaillance :
Depuis il s'avisa de me serrer les doigts
Et retrouvant un peu l'usage de la voix
Il prit un de mes gants, la mode en est nouvelle
(Me dit-il) et jamais je n'en vis de si belle,
Vous portez sur le sein un mouchoir fort carré,
Votre éventail me plaît d'être ainsi bigarré.
(I, 3, p. 14-15) (source : E. Roy, La Vie et les oeuvres de Charles Sorel, 1891, p. 201)

En tentant une approche physique d'Elmire, Tartuffe contrevient aux consignes formulées

CAPUT XV
Quae mensura familiaritatis sacris hominibus cum sexu molliore sit tenenda
[…]
Tactus quilibet mulieris, etiamsi leviculus, aut per nudum osculum, refugiendus sacro homini, quasi virulentus
[…]

Il en est quasi de même des attouchements qui se font ès parties du corps, qui sont communes, et nullement déshonnêtes, comme sont les mains, la face, entre personnes de divers sexe, car encore bien que porter sa main sur ces parties du corps, sans mauvais dessein, ni danger d'impudicité, ne soit péché mortel, selon Caiet. en la 2.2.9.154. art.4. et en sa somme verb. chorea, N au.c.14.n.42.Sanch.l.9.disp.46.n.15. Granado sur la 1.2. controu. 6.tr.4.disp.7.n.5. d'autant que l'on n'y prétend aucun plaisir charnel, mais quelque satisfaction naturelle ; néanmoins excluant la nécessité, la coutume du pays, et les compliments ordinaires parmi les hommes d'honneur, qui au rencontre se présentent la main pour gage de leur affection, je n'oserais excuser telle action de péché véniel, non seulement en la personne qui la fait, mais en celle-là même qui volontairement la souffre en soi, à cause du péril, où l'une et l'autre se semblent précipiter sans aucune raison ; au moins est-ce chose certaine, que tels attouchements ne sont sans grande offense quand ils procèdent d'une intention vicieuse, de quelque fin qui tend à la charnalité.
Car Dieu qui a imprimé en nous une horreur de tout ce qui peut être contraire à la vertu de chasteté, comme sont sentiments impurs en l'appétit, conceptions sales et lascives en l'esprit, veut et entend que nous ne nous exposions sans nécessité au danger d'en avoir. Or à toutes ces choses sert d'être touché d'autrui, et souvent davantage, que se manier soi-même : celui donc qui touche, et celle qui se laisse toucher, sans cause urgente, et nécessité bien pressante, mais par plaisir charnel, pèchent mortellement.
(p. 111-112)




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