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Il faut que je l'assomme


"Laissez-moi, je lui veux couper les deux oreilles.
Contre son insolence, on ne doit point gauchir.
C'est à moi, tout d'un coup, de vous en affranchir ;
Et pour sortir d'affaire, il faut que je l'assomme."
Le Tartuffe, V, 2, v. 1634-1637

Considérant qu'"on ne doit point songer à garder aucunes mesures", Damis cède au désir de vengeance sous l'effet du "ressentiment des injures" que dénonce La Mothe le Vayer :

Il y a peu de personnes qui soient tout de bon de l'avis de Platon et d'Aristote ; que comme il est plus avantageux d'obliger que d'être obligé, il vaille mieux au contraire recevoir une injure que de la faire. Et il s'en trouve encore moins qui aient cette fermeté dont parle Sénèque, laquelle empêche de ressentir les offences, et par conséquent de s'en venger ; de même qu'il y a des corps si solides qu'ils renvoient la flèche ou le boulet sans être tant soit peu pénétrés. Si faut-il avouer qu'on ne saurait voir de plus beau spectacle ici bas, que ce Sage des Philosophes, qui reçoit tous les coups qu'on lui porte, ainsi qu'un écueil toutes les tempêtes, sans être ébranlé ; et qui pareil à un Lion généreux méprise les violences qui lui sont faites, comme celui-là le cri des chiens sans se retourner, et sans témoigner la moindre émotion. En effet, je tiens qu'il est plus avantageux, parce qu'il est plus honorable, de recevoir des outrages qui ne font nulle impression sur nous, que de n'en recevoir point du tout. Nous ne pouvons faire paraître notre force, que contre celle qui nous est faite inutilement. Et nous ne donnons jamais la gloire d'être invulnérable à ce qu'on ne frappe pas, mais bien à ce qui ne peut être entamé ni offensé de quelque côté dont il soit atteint. Or parce qu'il n'y a guère de préceptes de Philosophie qui soient si difficiles à observer, que ceux qui non contents de modérer le ressentiment des injures, en suppriment presque jusqu'aux premiers mouvements ; mon opinion est qu'on ne saurait y faire trop de réflexion pour se les mieux imprimer, et s'en rendre l'usage familier, puisque l'occasion de les pratiquer se présente à toutes les heures du jour.
(éd. des Oeuvres de 1756, II, 2, p. 421-422)




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