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Il faut qu’une personne comme vous ait un concert de musique chez soi tous les mercredis ou tous les jeudis


"MAITRE DE MUSIQUE : Au reste, Monsieur, ce n'est pas assez : il faut qu'une personne comme vous, qui êtes magnifique, et qui avez de l'inclination pour les belles choses, ait un concert de musique chez soi tous les mercredis ou tous les jeudis.
MONSIEUR JOURDAIN : Est-ce que les gens de qualité en ont ?
MAITRE DE MUSIQUE : Oui, Monsieur.
MONSIEUR JOURDAIN : J'en aurai donc. Cela sera-t-il beau ?
MAITRE DE MUSIQUE : Sans doute. Il vous faudra trois voix : un dessus, une haute-contre, et une basse, qui seront accompagnées d'une basse de viole, d'un théorbe, et d'un clavecin pour les basses continues, avec deux dessus de violon pour jouer les ritournelles."
Le Bourgeois gentilhomme, II, 1

Loret parle à plusieurs reprises d'un salon musical de cette sorte à Paris (1), (2), (3). Les effectifs musicaux sont plus modestes que ce que propose le maître de musique à M. Jourdain. A la lumière des relations de Loret, il semble que ces effectifs et la fréquence des concerts proposés par le maître de musique soient, en principe, au-delà des moyens d'un bourgeois.


(1)

Mercredi (le 4 décembre 1652), près de Notre-Dame,
Au logis d’une honnête femme
Dont dame Payen est le nom,
Se fit un concert de renom,
D’un clavecin et deux violes,
Qui valait trois mille pistoles ;
Oui, je le proteste, ma foi,
Et, si j’étais dauphin ou roi,
Pacha, grand vizir ou satrape,
Cardinal, empereur ou pape
Je les donnerais tout comptant
Pour en entendre encore autant.
Monsieur Hédouin et sa consorte
Mariaient, d’une aimable sorte
Au son des susdits instruments,
Leurs tons de voix doux et charmants ;
Mais, durant ces rares merveilles,
Où leurs beaux airs dans les oreilles
Étaient si doucement reçus,
La femme tenait le dessus.
Illec n’étaient point de comtesses,
De marquises ni de duchesses ;
Mais on ne laissait pourtant pas
D’y voir mille brillants appas,
De yeux, des gorges et des bouches
Capables d’émouvoir des souches,
De beaux teints d’oeillets et de lis,
Mainte Cloris, Mainte Philis,
Mainte Chimène et mainte Astrée,
Dont la chambre était illustrée ;
Enfin, si des accords nouveaux
Des trois instruments musicaux
Et des voix si bien animées
Les oreilles étaient charmées,
Certes, j’ai plus de vingt témoins
Que les yeux ne l’étaient pas moins !
Au reste, ce divin régale
Dont l’excellence sans égale
Est à peu prés digne d’un Dieu,
En même jour, en même lieu,
Se fait, non toutes les semaines,
Mais du moins toutes les quinzaines.
Ceux du logis sont diligents
D’ouvrir l’huis aux honnêtes gens,
Et je puis rendre témoignage,
Quoi qu’assez simple personnage,
Qu’on m’y reçut, en vérité,
Avec grande civilité.
Jean Loret, lettre du 7 décembre 1652, dans La Muse historique

(2)

Je ne puis m’empêcher ici
De faire encore un raccourci
De la mélodie angélique,
Ou du moins charmante musique,
Dont Coutel, qui vaut un trésor,
Régala ses amis encore,
Le dix-huit du mois de décembre,
Dans une assez petite chambre,
Où le beau peuple qui survint
Passait pourtant quatre fois vingt.
Les violes et voix-humaines
Y firent mieux que des sirènes,
Et le ravissant clavecin
Faisant din, din, drelin, din, din,
Par son excellente harmonie,
Charma toute la compagnie.
Jean Loret, lettre du 21 décembre 1652, dans La Muse historique

(3)

Mardy (le 20 janvier 1653), pour la troisième fois,
J’entendis ces deux belles voix
Chantants d’excellentes paroles,
Ce clavecin et ces violes,
Dont Coutel charme ses voisins,
Et se fait beaucoup de cousins.
Illec étaient plusieurs mignonnes
Et de fort aimables personnes ;
Mais entre tant de doux regards,
Qui luisaient-là de toutes parts,
Une ravissante lumière
Y tenait la place première,
En était le plus beau brillant,
Et c’était madame Galand.
Jean Loret, lettre du 25 janvier 1653, dans La Muse historique




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